André Dion:d’Unibroue à la Ferme Guyon
Par Marilou Séguin
Après Rona et Unibroue, l'entrepreneur québécois André Dion, loin de s'arrêter, réalise un rêve avec la Ferme Guyon, à Chambly, un projet qu'il a mis sur pied avec ses deux fils. Rencontre avec un bâtisseur chevronné, amoureux des plantes et des produits d'ici.
«Quand j'étais petit, je rêvais. J'ai toujours aimé rêver à des choses et essayer de les réaliser, de trouver les opportunités», confie le septuagénaire.
Pépinière, serres de production, marché fermier et maraîcher, ferme pédagogique, volière de plus de 500 papillons et restaurant figurent parmi les installations qui cohabitent, boulevard Patrick-Farrar, un projet qui a mijoté durant des années dans la tête d'André Dion.
«Lorsque j'étais président de Rona et que nous avons intégré le groupe Botanix, j'ai vu ces gens qui faisaient du travail saisonnier et qui semblaient toujours très heureux. Je me suis alors dit:Un jour, à ma retraite, je vais faire ça», raconte l'homme d'affaires.
C'était au début des années 1980. Trente ans plus tard, après un détour fructueux dans l'univers de la bière, son projet est finalement devenu réalité.
De la bière au jardin
Alors qu'il était à la barre de Rona, qu'il a dirigé pendant près de 25 ans, André Dion achetait déjà des terres à Chambly pour le jour où il pourrait mettre son projet sur pied.
Lorsqu'il quitte le quincaillier, en 1990, une microbrasserie vient toutefois chambouler ses plans d'avenir.
«Quand j'ai quitté Rona, un petit brasseur est venu me voir avec des problèmes de distribution et j'ai alors trouvé qu'il y avait un potentiel extraordinaire dans la bière artisanale. J'ai donc fondé Unibroue et Robert Charlebois s'est joint à moi», raconte l'entrepreneur.
Lancée au début des années 1990, la brasserie a connu un immense succès grâce notamment aux bières Blanche de Chambly, Maudite et La Fin du Monde.
Après 14 ans à la tête de l'entreprise, M. Dion a accepté, en 2004, de vendre à la brasserie Sleeman, qui à son tour, a revendu, en 2006, Sleeman Unibroue inc. à la plus vieille brasserie commerciale japonaise, Sapporo.
«Si ce n'avait pas été d'Unibroue, qui a été une très belle aventure, j'aurais investi dès le départ dans mon projet, dit-il. Quand j'ai vendu, je me suis dit: C'est le temps, là je le réalise avec mes deux fils Sébastien et Jean-François.»
Possédant déjà les terrains nécessaires à l'angle des autoroutes 10 et 35, M. Dion a alors pris quelques années pour voyager et faire de la recherche afin de bien développer son concept.
Mettre en valeur les produits d'ici
Au fil de son exploration, le centre horticole dont il rêvait s'est bonifié et transformé en un grand marché fermier et maraîcher inspiré des Farmer's Market américains.
Ainsi, en plus des activités horticoles, la ferme propose des produits de producteurs locaux et québécois, ce qui permet à l'entreprise de rester ouverte dix mois par année.
«La majorité de ce que nous vendons est québécois. Pour moi, il est très important de mettre en valeur les produits d'ici», indique M. Dion. À la Ferme Guyon, où travaillent une cinquantaine de personnes en haute saison, aucune chance de tomber sur des tomates ontariennes comme c'est parfois le cas dans d'autres marchés publics, notamment à Montréal.
«Moi je tiens à dire aux entrepreneurs qui sont dans le commerce de détail de mettre l'emphase sur les produits québécois. Ils peuvent importer, mais il faut surtout encourager les entreprises d'ici parce que c'est ça qui fait vivre les gens», affirme l'entrepreneur.
Et la demande est là, selon lui. «On sent que les gens sont de plus en plus conscients. On le voit, les clients sont fiers d'acheter québécois.»
En plus des produits d'ici, la Ferme Guyon propose aux clients des méthodes alternatives aux engrais chimiques telles que l'introduction d'insectes bénéfiques dans leur jardin ou l'incorporation de plantes dites «complices» qui éloignent les insectes nuisibles.
Après Charlebois, Ricardo
Séduit par le projet, le célèbre chef-animateur Ricardo s'est associé à la ferme.
«Nous nous connaissons depuis longtemps et je suis vraiment content qu'il soit actionnaire», dit-il, estimant que la notoriété et les idées du célèbre cuisinier ne peuvent qu'être bénéfiques pour l'entreprise.
Tout comme le fit Robert Charlebois pour la bière Unibroue, Ricardo, qui animait cet été l'émission Fermier urbain à Radio-Canada, met un visage populaire sur une entreprise d'ici. «Ça nous apporte beaucoup de monde», confie M. Dion.
Un attrait touristique
Si son projet de retour à la terre n'a pas toujours été facile, M. Dion est fier d'y être parvenu et de travailler avec ses enfants. L’endroit se veut aussi un attrait touristique, explique-t-il.
«Nous n'avons pas la population de Montréal, alors il faut attirer des gens de l'extérieur et pour ça, il faut autre chose que des produits, c'est pourquoi nous misons sur d'autres attractions», souligne l'entrepreneur.
Si environ 70% de la clientèle, qui tourne autour de 70 000 visiteurs, vient de Chambly et de Saint-Jean-sur-Richelieu, l'entrepreneur voit maintenant des gens de Brossard, Sherbrooke et même de Laval franchir les portes de son commerce.
La ferme pédagogique est particulièrement populaire auprès des tout-petits.
Lorsqu'on lui demande si, après une carrière bien remplie, il compte prendre sa retraire un jour, André Dion éclate de rire et lance un «peut-être», sourire en coin.
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