Chaleur: des médicaments sont associés à un risque de décès plus important


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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Des médicaments ont été associés à une hausse du risque de décès lors du dôme de chaleur qui a recouvert la Colombie-Britannique en 2021, a constaté un chercheur québécois.
Plus précisément, l'analyse a démontré que les antiépileptiques, les médicaments contre la maladie de Parkinson, les psycholeptiques (les calmants), les diurétiques, les médicaments contre le diabète, les bêta-bloquants, les analgésiques, les médicaments urologiques et les médicaments pour le traitement des maladies osseuses avaient augmenté le risque de décès à ce moment.
En revanche, les inhibiteurs calciques et les produits ophtalmologiques ont semblé avoir un effet protecteur.
«Il y a plusieurs organismes de santé publique qui font des recommandations sur les médicaments qui augmentent le risque de décès lors des épisodes de chaleur», a souligné Jérémie Boudreault, qui est doctorant à l'Institut national de la recherche scientifique.
«Par contre, dans la littérature, la majorité des associations sont faites chez des jeunes hommes en bonne santé, pas chez des personnes âgées avec des maladies chroniques. Alors on vient un peu répondre à cette question-là pour améliorer nos efforts de communication, pour raffiner les catégories de médicaments qui mettent ces personnes-là à risque et pour identifier les personnes qui sont à risque.»
Les auteurs de l'étude se sont intéressés à 21 maladies chroniques, dont les plus prévalentes étaient la maladie rénale chronique, la BPCO, la dépression, l'épilepsie, l'insuffisance cardiaque, la schizophrénie et le trouble lié à l'usage de substances psychoactives.
Ils ont comparé environ 500 décès survenus dans la communauté (c'est-à-dire, à l'extérieur du système de santé) à un peu plus de 2500 sujets similaires qui ont survécu au dôme de chaleur de 2021 ― «l'événement météorologique le plus meurtrier de l'histoire du Canada», avec quelque 700 décès, a rappelé M. Boudreault.
L'impact des médicaments prescrits pour ces conditions a été analysé par régression logistique et par apprentissage machine, et les conclusions de l'étude découlent du regroupement des résultats générés par chaque méthode. L'analyse a notamment permis de départager quelle portion du risque était attribuable aux médicaments et quelle portion aux problèmes de santé.
Les auteurs de l'étude soulignent qu'«il existe de nombreux mécanismes par lesquels les médicaments peuvent augmenter le risque de mortalité» pendant les événements de chaleur extrêmes:
- les médicaments antiparkinsoniens, par exemple, peuvent entraîner une augmentation de la température centrale et des maladies liées à la chaleur, en plus de nuire à la mobilité;
- les antiépileptiques peuvent provoquer une sédation et des troubles cognitifs, réduisant ainsi la vigilance et la perception de la chaleur;
- tandis que les psycholeptiques altèrent la transpiration, modifient la thermorégulation et peuvent limiter la capacité du corps à maintenir sa température corporelle.
«Il y a des études cliniques qui montrent que certains médicaments vont venir augmenter la température corporelle, a expliqué M. Boudreault. En ajoutant seulement .5 ou un degré à notre température corporelle, les gens risquent des coups de chaleur à des seuils beaucoup plus faibles. Plusieurs médicaments vont diminuer la sensation de soif ou la transpiration, et ça, ça peut être problématique quand on est dans un épisode de chaleur.»
Quant aux effets protecteurs apparents d'autres médicaments, les chercheurs expliquent que les patients à qui ils avaient été prescrits faisaient possiblement d'emblée l'objet d'un suivi médical plus serré, ou encore que ces molécules pourront avoir eu un effet physiologique bénéfique face à la chaleur.
Âge et sexe
L'analyse a permis de relever des différences associées à l'âge et au sexe. Les diurétiques, par exemple, ont semblé augmenter le risque de décès chez les sujets de 75 ans et plus, mais non chez les plus jeunes. Les médicaments urologiques ont eu un effet protecteur chez les hommes, tout en représentant un facteur de risque important chez les femmes.
Les auteurs préviennent par ailleurs qu'ils n'ont pas comparé les dangers éventuels de ces médications lors d'une vague de chaleur à leurs avantages potentiels. Leur étude, disent-ils, est «épidémiologique, et non clinique, et ne peut fournir de preuves suggérant ou justifiant la modification ou l'arrêt d'un traitement pharmaceutique» lors d'un événement de chaleur extrême.
Les résultats acquièrent toutefois une tout autre pertinence dans le contexte du réchauffement climatique et peuvent «fournir des informations précieuses aux médecins et aux pharmaciens afin de mieux communiquer avec leurs patients au sujet des risques liés aux médicaments pendant les périodes de forte chaleur», ajoutent-ils.
«Il va être important que (ces patients) aient accès à la climatisation lors des événements de chaleur, a conclu M. Boudreault. Il va falloir limiter l'isolement social qui est aussi un facteur de risque. Il va falloir lutter contre la précarité financière et assurer que (les patients) auront accès à des ressources pour se protéger (...) lors des vagues de chaleur qui seront de plus en plus fréquentes et intenses.»
Les résultats de cette étude ont récemment été publiés par la revue eBioMedecine, qui appartient à la famille Lancet de publications médicales.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne