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Des avocats incitent les politiciens à la retenue après l'acquittement d'Umar Zameer

durée 18h32
23 avril 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — Une voix importante des avocats criminalistes au Canada affirme que la police et les dirigeants politiques doivent être conscients des conséquences de leurs prises de position sur les remises en liberté sous caution. 

D'après Boris Bytensky, président de l'Association des avocats criminalistes (CLA), le cas d'Umar Zameer le démontre parfaitement. 

«Le simple fait que vous fassiez des commentaires en tant qu'agents publics [...] Cela nuit vraiment à la réputation du système judiciaire», a dit M. Bytensky en entrevue mardi. 

«Cela ne contribue pas à respecter le système de justice, ce dont nous avons besoin. Si le public ne respecte pas ce système de justice et les juges, ils ne respecteront pas la loi.» 

Dimanche, un jury a reconnu Umar Zameer non coupable de la mort du policier Jeffrey Northrup, qui a été écrasé dans un stationnement souterrain en juillet 2021 à Toronto. 

M. Zameer avait été libéré sous caution quelques mois après les faits – une décision qui a suscité des critiques publiques de la part du premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, qui avait qualifié sa libération de «totalement inacceptable». 

Ce n'est que lorsque le jury a été séquestré, la semaine dernière, que les Canadiens ont compris à quel point les arguments contre M. Zameer étaient faibles. 

La juge Jill Copeland, qui était à ce moment à la Cour supérieure de l'Ontario, a écrit dans sa décision qu'elle trouvait le dossier «faible», notant que le manque de preuves concernant l'intention de M. Zameer était une «lacune importante». 

Shakir Rahim, qui dirige le programme de justice pénale à l'Association canadienne des libertés civiles, a affirmé que le cas d'Umar Zameer démontre que la libération sous caution est «essentielle» pour protéger les Canadiens, même ceux accusés de crimes graves.

«Sans caution, M. Zameer – un homme innocent – aurait passé trois ans en prison, a-t-il expliqué. Cette affaire n'est pas inhabituelle. La moitié des affaires criminelles au Canada n'aboutissent pas à un verdict de culpabilité.» 

Lorsque des dirigeants politiques utilisent leurs plateformes pour s'exprimer contre les décisions de libération sous caution, «cela risque d'enflammer l'opinion publique», ce qui peut susciter des inquiétudes quant au droit d'un accusé à un procès équitable, soutient M. Rahim.

Une occasion d'apprendre

L'ancien maire de Toronto, John Tory, s'était également prononcé contre la libération de M. Zameer. Depuis le verdict, il a reconnu avoir tiré des leçons de cette épreuve, selon un article du Toronto Star. 

À l'époque, Doug Ford avait cité la libération de M. Zameer comme un exemple de la nécessité du système judiciaire de «se ressaisir» et de faire passer «les victimes et leurs familles avant les criminels». 

Le premier ministre a adopté un ton résolument différent mardi.

«C'est une situation très triste qui s'est produite et je respecte la décision du tribunal. Mes pensées vont également à Margaret et à sa famille», a-t-il déclaré, en référence à la veuve de M. Northrup. 

«À cette époque, mes informations étaient limitées. Les tribunaux ont décidé, le jury a décidé et il faut respecter le système judiciaire.» 

Les commentaires initiaux de M. Ford se sont depuis révélés sans fondement, a statué la Fédération des associations juridiques de l'Ontario (FOLA) dans un communiqué. Il est inacceptable que des dirigeants «diffusent des informations erronées sur notre système de justice pénale et marquent des points politiques à bas prix aux dépens des tribunaux et des juges», a soutenu Douglas Judson, président de la fédération. 

Non seulement les politiciens ne disposent pas des faits nécessaires pour parler de décisions spécifiques en matière de remise en liberté sous caution, mais lorsqu’ils le font, cela nuit à la réputation du système judiciaire et à la présomption d’innocence, a pour sa part dit M. Bytensky. 

Le cas d'Umar Zameer est une occasion de mieux éduquer les Canadiens sur le fonctionnement du système et sur ce que signifie réellement la «présomption d'innocence», a-t-il ajouté. 

«Nous défendons la présomption d'innocence du bout des lèvres, mais je ne pense pas que nous y prêtions vraiment attention», a poursuivi M. Bytensky. 

Après le verdict du jury dimanche, la juge est allée jusqu'à présenter ses excuses à Umar Zameer pour ce qu'il avait été contraint d'endurer. 

Stephanie Taylor, La Presse Canadienne