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Des parlementaires se penchent sur la décarbonation de l'économie

durée 17h45
2 octobre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

Appelés à témoigner devant un comité parlementaire à Ottawa, des experts de l’énergie et du climat ont fait valoir, jeudi, que des politiques climatiques ambitieuses sont nécessaires pour l’avenir de la compétitivité économique du Canada.

En 2030, la réduction des émissions de GES au Canada par rapport à 2015 sera «au mieux de 14 % pour atteindre 25 % en 2040, très loin des objectifs légaux de 40 à 45 % pour 2030 et de 50 % pour 2050», a expliqué Normand Mousseau, invité jeudi par le Comité permanent de l’environnement et du développement durable (ENVI).

Le professeur Mousseau dirige l’Institut de l’énergie Trottier (IET), qui publie régulièrement des rapports sur les transformations nécessaires à l’atteinte des objectifs de carboneutralité au Canada.

Il faisait partie des experts invités à témoigner lors de la première séance d’une étude qui porte «sur l’efficacité, les améliorations possibles et la capacité du Plan de réduction des émissions pour 2030 du Canada à atteindre ses cibles conformément aux engagements envers l’Accord de Paris».

Plusieurs raisons, selon le professeur Mousseau, expliquent que le Canada est incapable d’atteindre ses objectifs de réduction de GES.

«Il y a un gouffre entre les transformations nécessaires sur le terrain et les mesures déployées» et «les mesures déployées ne sont ni transformatrices ni structurantes».

De plus, le Parti conservateur du Canada, «enfoncé dans un déni de la nécessité de réussir la transition» énergétique, «ralentit considérablement le développement des mesures appropriées», a indiqué Normand Mousseau.

Le climatologue de l'Université de la Colombie-Britannique Simon Donner, également invité à témoigner, a ajouté que «le plan de réduction des émissions d’ici 2030» était «la politique climatique la plus complète de l’histoire» du Canada.

«Cependant, ce plan n’est pas suffisant pour atteindre l’objectif de réduction des émissions d’ici 2030, et plusieurs de ses éléments clés ont désormais été annulés ou sont menacés», a-t-il déploré, en faisant référence notamment à la «taxe sur le carbone».

Changer de stratégie

Devant «l'impossibilité évidente pour le Canada d'atteindre ses objectifs de réduction», il faut «changer de stratégie», selon Normand Mousseau, et considérer la politique climatique comme «une politique industrielle et économique» et non plus comme une politique environnementale.

«Il faut cesser de compter les tonnes de GES pour plutôt miser sur des transformations en profondeur de divers secteurs. J'inclus l'électrification, le transport des personnes, une bonne partie de celle du transport des marchandises, le déploiement massif de thermopompes dans le secteur des bâtiments industriels et le déploiement à grande échelle de solutions de captage et séquestration de CO2», a énuméré M. Mousseau.

«En 2025, la compétitivité signifie qu’il faut s’assurer que les travailleurs canadiens, les industries et les citoyens soient complètement équipés et bien positionnés pour s’intégrer aux marchés mondiaux qui changent», a ajouté Caroline Brouillette, directrice générale du Réseau action climat Canada, elle aussi invitée à témoigner devant le groupe de députés.

L'Union européenne, deuxième partenaire commercial en importance du Canada, est en train de mettre en place un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et les entreprises canadiennes qui veulent faire des affaires en Europe devront s’y ajuster, a souligné la directrice du Réseau action climat.

Le député conservateur Branden Leslie, membre du comité sur l'environnement, a fait remarquer à Caroline Brouillette que, lorsqu’il fait du porte-à-porte, les citoyens lui parlent du coût de la vie qui augmente, tout en soulignant que les politiques climatiques coûtent cher, selon lui, aux contribuables.

La directrice du Réseau action climat lui a répondu en citant un rapport de l’économiste Jim Standford, de l’Université McMaster, qui suggère que la hausse des prix du pétrole et du gaz a «coûté en moyenne 12 000 $ à chaque ménage canadien» dans les trois dernières années.

Celle-ci a invité les députés et le gouvernement à éviter de faire comme les États-Unis «qui s’enfoncent dans la dépendance aux énergies fossiles», dont les prix volatiles «stimulent l’inflation».

L'UE et la Chine citées en exemple

Le directeur scientifique de l'Institut Trottier, Normand Mousseau, est d'avis que l’économie canadienne risque de «périclité» si le pays est incapable de décarboner ses activités et s’affranchir des énergies fossiles.

«Dans notre bulle nord-américaine, l'échec du Canada (à atteindre ses cibles) semble sans importance. Or, c'est faux parce que, pendant que le Canada fait du surplace, nos compétiteurs se transforment. Ils atteignent et dépassent leurs objectifs ambitieux. Ils utilisent la transition énergétique pour moderniser leur économie, développer de nouvelles technologies plus performantes et déployer des produits à grande valeur ajoutée.»

Normand Mousseau a donné les exemples du Royaume-Uni et de l’Allemagne, deux pays qui ont misé sur la décarbonation de leur économie et qui sont sur la voix d’atteindre leurs cibles de réduction d’émission pour 2030.

Il a également cité la Chine, leader des technologies de la transition énergétique.

«La Chine est en train de contrôler la propriété intellectuelle des technologies propres parce que, pendant que nous, on regarde passer le train, elle développe les technologies. On le voit pour les voitures électriques, on n’est pas capable de produire des véhicules de la qualité des véhicules de la Chine, un pays qui, il y a quelques années, copiait nos façons de faire.»

Le Canada, a-t-il ajouté, «n'est pas assuré d'un avenir riche et prospère. Il peut sombrer dans l'insignifiance en continuant de défendre des recettes dépassées, ou il peut choisir de s'intégrer dans les transformations économiques mondiales».

L’étude sur «l’efficacité, les améliorations possibles et la capacité du Plan de réduction des émissions pour 2030 du Canada à atteindre ses cibles conformément aux engagements envers l’Accord de Paris» est une initiative du député de Repentigny, le bloquiste Patrick Bonin.

Celui-ci, qui est vice-président du comité permanent de l’environnement et du développement durable, a fait adopter une motion contraignante pour forcer cette étude.

Entre quatre et six autres séances devraient se dérouler dans les prochaines semaines.

Stéphane Blais, La Presse Canadienne