Des républicains s'insurgent contre les feux canadiens qui enfument les États-Unis


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Par La Presse Canadienne, 2025
Alors que les feux de forêt au Canada étouffent les États-Unis sous la fumée, les républicains exigent des mesures de la part de leurs voisins du nord. Mais pas sur le changement climatique.
«Au lieu de profiter de vacances en famille sur les magnifiques lacs et campings du Michigan, pour le troisième été consécutif, les habitants du Michigan sont contraints de respirer un air pollué en raison de l'incapacité du Canada à prévenir et à maîtriser les feux de forêt », pouvait-on lire dans une déclaration de législateurs républicains américains faite la semaine dernière. Celle-ci faisait écho à des messages similaires d’élus républicains de l'Iowa, de New York, du Dakota du Nord, du Minnesota et du Wisconsin.
Ils ont exigé davantage d'éclaircissages forestiers, de brûlages dirigés et d'autres mesures pour prévenir les incendies. Ils ont averti que la fumée nuisait aux relations entre les deux pays et ont suggéré que les États-Unis pourraient en faire un enjeu dans les négociations douanières.
Mais ils n'ont pas reconnu le rôle du changement climatique – une omission flagrante et à courte vue, selon les climatologues. Ils passent également sous silence la contribution démesurée des États-Unis aux gaz à effet de serre provenant de la combustion de combustibles fossiles, qui provoquent des vagues de chaleur et des sécheresses plus intenses, ce qui, à son tour, ouvre la voie à des feux de forêt plus destructeurs, selon les scientifiques.
«Le Canada devrait plutôt blâmer les États-Unis pour l'augmentation des incendies», s'est exclamée Jennifer Francis, climatologue au Centre de recherche sur le climat Woodwell de Cape Cod, au Massachusetts.
Mardi, le gouvernement canadien a annoncé un financement de près de 46 millions $ pour des projets de recherche sur la prévention des incendies de forêt et l'évaluation des risques. Mais Corey Hogan, secrétaire parlementaire du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, a déclaré qu'une coopération internationale était nécessaire.
«Personne ne veut plus agir contre les feux de forêt que les Canadiens, a déclaré M. Hogan. Mais je pense que cela souligne également les défis internationaux posés par les changements climatiques (…) nous devons nous attaquer à ce problème à l'échelle mondiale.»
Le pays «lutte contre les feux de forêt à un rythme sans précédent depuis 2023», année où le Canada a connu son plus grand incendie de forêt jamais enregistré, a déclaré Ken McMullen, président de l'Association canadienne des chefs de pompiers. Le premier incendie de cette année a débuté en avril, l'un des plus précoces jamais enregistrés, et 2025 est maintenant la deuxième année la plus grave.
Jeudi, plus de 700 feux de forêt faisaient rage à travers le pays, dont les deux tiers étaient hors de contrôle, avec plus de 72 520 kilomètres carrés brûlés dans 4400 feux de forêt depuis le début de l'année, selon le Centre interservices des feux de forêt du Canada. C'est près de cinq fois la superficie brûlée jusqu'à présent aux États-Unis cette année.
Déni du changement climatique
La plupart des feux de forêt sont déclenchés par l'homme, parfois intentionnellement, mais le plus souvent par erreur. Ken McMullen a toutefois précisé que la foudre était responsable de nombreux incendies au Canada, en particulier dans les régions éloignées.
Le chef pompier a dit ne pas vouloir débattre du rôle du changement climatique, mais a ajouté que les données montrent que quelque chose a changé. Les marécages et les bassins se sont asséchés, et l'eau qui s'écoulait autrefois devant les portes des maisons des municipalités lacustres canadiennes est désormais souvent à des centaines de mètres.
«Chacun peut se faire sa propre opinion sur les raisons de cette situation, a-t-il déclaré. Mais quelque chose a clairement changé.»
Le président américain, Donald Trump, a qualifié le changement climatique de canular – une croyance partagée par de nombreux membres du Parti républicain – et son administration s'est employée à saper la science et à supprimer le financement de la collecte de données climatiques fédérales, sans que les républicains au Congrès s'y opposent vraiment.
Il a proposé d'annuler la conclusion scientifique selon laquelle le dioxyde de carbone et les autres gaz à effet de serre mettent en danger la santé et le bien-être publics – le fondement même de l'action américaine contre le changement climatique. Il a déclaré l'état d'urgence énergétique national pour accélérer la production des combustibles fossiles, annulé les subventions aux projets d'énergies renouvelables et ordonné aux États-Unis de se retirer de l'Accord de Paris sur le climat, qui vise à limiter le réchauffement climatique à long terme à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels.
Pour autant, un groupe de législateurs républicains a demandé à la Commission mixte internationale d'examiner les pratiques canadiennes de gestion des feux de forêt.
Des solutions difficiles
L'expert des feux de forêt Ken McMullen a expliqué que lutter contre les incendies n'est pas aussi simple qu'on le croit.
Le pays et ses territoires sont vastes et les incendies se produisent souvent dans des zones reculées où la meilleure – et parfois la seule – solution, en l'absence d'habitants ou de structures, est de les laisser brûler, sous peine de «créer une nouvelle situation à laquelle nous devrons faire face dans un an, deux, 10 ou 20 ans», a-t-il détaillé.
Les brûlages dirigés pour éliminer les broussailles et autres sources d'inflammation sont utilisés dans certaines régions, mais ne sont ni pratiques ni possibles dans certaines forêts et prairies en feu, selon les experts.
Le pompier a plaidé en faveur de la création d'une agence canadienne de coordination des feux de forêt pour aider à déployer des pompiers et du matériel là où ils sont nécessaires.
Mais pour ce qui est de stopper l'aggravation des incendies, «je ne pense pas qu'ils puissent faire grand-chose», a déploré Jonathan Overpeck, climatologue à l'Université du Michigan.
Il a souligné que la hausse des températures fait fondre le pergélisol dans le nord du Canada, ce qui assèche les vastes forêts boréales et augmente considérablement le risque de feu.
Les deux pays devraient plutôt collaborer pour trouver des solutions au changement climatique, «car notre fumée est leur fumée, leur fumée est la nôtre, a pointé le Pr Overpeck. Tant que cette tendance au réchauffement et à l'assèchement se poursuivra, le problème s'aggravera.»
«La bonne nouvelle, c'est que nous en connaissons la cause, a-t-il ajouté. Nous pouvons empêcher qu'elle ne s'aggrave.»
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Tammy Webber, The Associated Press