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Des requins en eaux profondes sont menacés par la surpêche, prévient une étude

durée 16h28
7 mars 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

Le professeur Nick Dulvy se souvient de l'effondrement de la pêche à la morue du Nord, en 1992.

«Ça a été tout simplement un désastre social et économique pour le Canada», a déclaré le professeur de biologie à l'Université Simon Fraser de Burnaby, en Colombie-Britannique.

Pour ce titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la biodiversité marine et la conservation à cette université, et pour d'autres chercheurs, les événements «notoires» de cette année-là offrent des leçons historiques sur les pratiques de pêche non durables qui trouvent encore un écho de nos jours.

Le professeur Dulvy fait partie des chercheurs du monde entier qui tirent la sonnette d’alarme sur les menaces qui pèsent sur les requins et les raies des grands fonds, à cause de la surpêche et de la demande internationale de chair et d’huile de foie de requin.

Le chercheur canadien a contribué à la rédaction d'une étude publiée jeudi dans la revue «Science», qui souligne la nécessité de réglementer immédiatement le commerce international et la pêche pour éviter des conséquences «irréversibles».

Le commun des mortels s'intéresse surtout à des espèces de requins plus «charismatiques», comme le requin-marteau, le grand requin blanc ou le mako, mais les espèces des grands fonds marins sont menacées en raison des améliorations des technologies de pêche, souligne le professeur Dulvy.

«On sensibilise de plus en plus aux problèmes liés aux requins côtiers et il est beaucoup plus facile d'attirer l'attention du public et d'amener les décideurs politiques à apporter des changements basés sur ces espèces plus charismatiques», a-t-il déclaré.

«Mais il est très facile d'oublier ce qui se passe dans les profondeurs océaniques, et nous entendons beaucoup de choses sur l'exploitation minière dans les profondeurs océaniques. Mais la réalité, c'est que la plus grande menace pour les profondeurs océaniques que nous connaissons aujourd'hui, c'est la surpêche.»

Alors que les eaux côtières du monde entier rétrécissent, la volonté d'aller pêcher plus en profondeur signifie que les populations de requins et de raies deviennent des «dommages collatéraux» dans les activités de pêche commerciale.

Les espèces de requins des profondeurs, a-t-il déclaré, jouent un «rôle mal compris mais important dans la régulation des écosystèmes des profondeurs océaniques».

Les requins des profondeurs sont ciblés pour leur huile de foie, et aujourd'hui, cette substance se retrouve dans un certain nombre de produits de consommation courante, dit-il. «Si vous interrogez quelqu'un à ce sujet, il n'en aura jamais entendu parler, mais la réalité est que nous l'avons probablement tous utilisé ou ingéré.»

L'huile de foie de requin est ainsi utilisée dans les cosmétiques et les suppléments nutritionnels, les «nutraceutiques» et même dans les vaccins, explique le professeur Dulvy. «Personne n'a vraiment le choix d'utiliser ou non de l'huile de foie, car le produit n'est étiqueté d'aucune façon.»

Les réglementations visant à endiguer le commerce des ailerons de requins et des branchies de raies mantas ont progressé, et M. Dulvy estime que «le moment est venu de vraiment attirer l'attention sur le sort des requins d'eaux profondes en raison du commerce international de leur huile de foie».

«Le commerce de l'huile de foie de requin a été peu étudié et il est éclipsé par les échanges mondiaux plus visibles d'ailerons de requin et de raies Rhino, de branchies de raie diable, ainsi que de leur chair», indique l'étude. «L'huile de foie de requin fait partie des produits à base de requin les plus utilisés.»

L'étude souligne que les espèces des grands fonds étaient «très peu menacées» avant 1970. Mais un changement «a coïncidé avec l'avènement et l'expansion de la plupart des pêches en eaux profondes» — le nombre d'espèces menacées a plus que doublé en seulement 25 ans, entre 1980 et 2005.

La recherche se termine à la fois par un avertissement et un appel à l'action pour réglementer le commerce de l'huile de foie de requin, ce qui, selon Dulvy, permettra aux générations futures de contempler certains de ces «organismes super cool».

«Nous avons les preuves nécessaires pour agir de manière plus proactive en faveur des profondeurs océaniques et tirer les leçons des erreurs qui ont conduit plus de la moitié des espèces côtières et pélagiques à être menacées», conclut l'article scientifique.

«Des mesures de précaution efficaces sont nécessaires pour garantir que le plus grand écosystème de la planète maintienne sa biodiversité et que la moitié des espèces de requins et de raies du monde soient protégées contre la crise mondiale d'extinction.»

Darryl Greer, La Presse Canadienne