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La refonte de la loi sur la police en Ontario entrera en vigueur le mois prochain

durée 12h06
13 mars 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

TORONTO — Une refonte de la loi ontarienne régissant les services de police dans la province, vieille de 34 ans, devrait entrer en vigueur le mois prochain, avec des règlements couvrant un ensemble d'enjeux, de la surveillance aux mesures disciplinaires, en passant par une procédure facilitée pour suspendre des agents sans solde.

La Loi sur la sécurité communautaire et les services policiers entrera en vigueur le 1er avril, soit cinq ans après son adoption, à la suite d'un long processus impliquant plus de 30 rencontres notamment avec les municipalités et les services de police, ainsi que le dépôt de plus d'une vingtaine de règlements pour accompagner la loi.

La nouvelle loi est imposante, avec pas moins de 263 articles – soit plus de 100 articles de plus que la loi qu’elle remplace – mais les nouvelles règles autorisant les chefs de police à suspendre des agents sans solde dans certaines circonstances sont parmi celles qui sont susceptibles de retenir le plus l’attention du public.

En vertu de l'ancienne Loi sur les services policiers, la seule circonstance dans laquelle un policier ne serait pas payé pendant sa suspension serait s'il était reconnu coupable d'une infraction et condamné à une peine d'emprisonnement.

Un policier reconnu coupable d'un crime, mais n'ayant pas à purger une peine derrière les barreaux resterait suspendu avec salaire à moins et jusqu'à ce qu'il soit licencié dans le cadre d'une procédure disciplinaire de la police. Si l'agent faisait appel de son licenciement, il pourrait rester suspendu pendant des mois, voire des années.

Un bon équilibre

L’Association des chefs de police de l’Ontario réclame depuis longtemps davantage de pouvoirs pour suspendre les agents sans solde. Les nouvelles règles marquent un progrès, selon le porte-parole Joe Couto, mais pourraient ne pas aller assez loin en ce qui concerne la confiance du public dans le système, d'autant plus que les nouvelles règles ne couvrent en grande partie que les incidents hors service.

«Nous sommes peut-être un peu plus avancés, mais pas vraiment, je pense, par rapport à ce que le public attend de ses législateurs», a-t-il soutenu.

La nouvelle loi va au-delà des règles antérieures: les chefs peuvent suspendre sans salaire si un agent est en détention ou en liberté sous caution avec des conditions qui nuiraient à sa capacité d'accomplir son travail, ou si l'agent est accusé d'une infraction grave en dehors de ses fonctions qui pourrait conduire également à son licenciement.

Les syndicats de policiers ont exprimé leurs inquiétudes quant à l'élargissement des dispositions en matière de suspension sans solde, soulignant qu'à moins qu'un policier n'ait été condamné, il a droit à la présomption d'innocence. Mais Mark Baxter, président de l'Association des policiers de l'Ontario, a déclaré qu'il pensait que les nouvelles règles établissaient un bon équilibre.

«Lorsque nous sommes confrontés à des cas vraiment graves et horribles en lien avec des allégations impliquant des policiers, nous comprenons les attentes du public selon lesquelles le membre ne continuera pas à figurer sur la liste de paie», a-t-il indiqué en entrevue.

On ne sait pas vraiment si un officier pourrait récupérer son salaire perdu s'il était finalement acquitté, a précisé M. Baxter.

Indépendance dans le processus disciplinaire

Il y a également de grands changements en ce qui concerne le processus disciplinaire de la police. Actuellement, un chef de la police nomme un enquêteur pour enquêter sur les allégations de mauvaise conduite et engage le procureur, ainsi que l'arbitre, a déclaré M. Baxter.

«C'est vraiment comme si le jeu était contre un membre dès le début», a-t-il expliqué.

La nouvelle loi crée un organisme indépendant pour mener des audiences décisionnelles.

Elle met également en place le poste d'inspecteur général, qui sera nommé pour enquêter et surveiller la manière dont les services de police, les commissions de police et les chefs se conforment à la nouvelle loi, ainsi que pour se pencher sur les allégations d'inconduite de la part des membres des commissions de police.

L'inspecteur général aura également le pouvoir d'exiger qu'un service de police soit supervisé par une autre entité et de révoquer des personnes de postes de direction.

Des avancées positives

La Commission ontarienne des droits de la personne a déclaré que la création du poste d'inspecteur général est positive, tout comme la capacité élargie de suspendre des agents sans solde et les dispositions visant à combler les lacunes en matière de surveillance.

La commission juge également encourageant qu'en vertu de la loi, les municipalités qui élaborent des plans de sécurité et de bien-être communautaires doivent consulter les membres du public, y compris les jeunes, les personnes qui ont reçu ou reçoivent des services de santé mentale ou de toxicomanie, les membres de groupes racialisés et les Premières Nations, Inuits et Métis.

Cependant, la commission a déclaré que toutes ses suggestions n'étaient pas intégrées dans la loi.

«Par exemple, ses recommandations pour que la réglementation sur l'équipement et le recours à la force comprenne des normes plus strictes pour l'utilisation d'armes à impulsions (tasers) et que la réglementation policière adéquate et efficace encourage le recours à des options de réponse non policières aux personnes en crise», a souligné la commission dans un communiqué.

Les municipalités, qui financent en grande partie les services de police, affirment qu'elles surveillent l'impact de la loi sur leur budget, mais que les changements sont globalement bons.

«(L'Association des municipalités de l'Ontario) a encouragé le gouvernement de l'Ontario à comprendre les conséquences financières du fait que les Ontariens paient déjà des coûts de maintien de l'ordre par habitant parmi les plus élevés au pays», a écrit le président de l'association, Colin Best, dans un communiqué.

«Les réformes proposées (...) sont importantes, elles auraient dû être apportées depuis longtemps et assureront un niveau de sécurité plus constant dans toute la province, tant pour le public que pour nos agents de première ligne.»

L'ex-gouvernement libéral a mené des consultations sur les modifications à l'ancienne loi pendant des années avant d'adopter une loi peu avant les élections de 2018, mais lorsque le gouvernement du premier ministre Doug Ford a pris le pouvoir, il a suspendu la mise en œuvre de cette loi, la qualifiant d'anti-police.

Le gouvernement Ford a ensuite présenté sa propre loi en 2019, mais a déclaré que la taille du projet de loi et les réglementations nécessaires pour l'accompagner, ainsi que les retards dans ces travaux provoqués par la pandémie de COVID-19, avaient ralenti la mise en œuvre du projet de loi.

Allison Jones, La Presse Canadienne