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Le profilage racial des clients est un problème de droits de la personne négligé

durée 17h34
14 août 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

La cheffe du Conseil tribal Heiltsuk, Marilyn Slett, affirme que personne dans sa communauté n'est à l'abri des petits actes de profilage racial qui peuvent s'incruster dans le quotidien d'une personne autochtone au Canada.

«C'est comme mes parents qui vont au restaurant, et ce n'est pas une heure achalandée, et ils refusent de les servir», a-t-elle raconté.

«C'est comme moi qui fais mes courses dans une communauté voisine et qui suis suivie partout dans l'épicerie par un employé. Ce genre de chose arrive aux membres de notre communauté, à nos Autochtones, au quotidien et c'est en quelque sorte normalisé. »

Ce comportement, connu sous le nom de profilage racial des consommateurs, est un problème de droits de la personne négligé au Canada qui nécessite une étude approfondie, selon un nouveau rapport rédigé par deux experts canadiens des droits de la personne.

L'étude publiée jeudi indique que «le profilage racial des consommateurs est un phénomène social profondément ancré, souvent peu visible dans notre quotidien, où les préjudices sociaux qui en découlent passent généralement inaperçus ou sont interprétés comme une pratique courante, et donc comme une routine.»

L'appel à davantage de recherches fait partie d'une série de recommandations formulées dans le rapport de Lorne Foster et Lesley Jacobs, commandé par la Nation Heiltsuk dans le cadre d'une plainte déposée en vertu de la Loi sur les droits de la personne de la Colombie-Britannique contre un magasin Canadian Tire de Coquitlam.

Canadian Tire mis en cause

Un père et sa fille affirment avoir été victimes de profilage racial et de racisme lors de leurs achats en 2020.

M. Foster a déclaré que de petits gestes, comme être suivi partout, observé de près ou surveillé de près par un commis ou un gardien qui les soupçonne de vol, peuvent avoir un effet cumulatif au fil du temps, jusqu'au point où une personne pourrait rendre publique son expérience, ce qu'il décrit comme une multitude de petites blessures. «Cela dure des mois, des années. Et en fait, cela ne fait que s'aggraver. Cela devient cumulatif à ce moment-là, et c'est à ce moment-là que l'on voit quelque chose d'amplifié», a-t-il expliqué.

Mais l'impact va au-delà de l'individu, a déclaré l'expert.

«En ce qui concerne la communauté, je pense que nous sommes confrontés à une situation où des générations entières sont blessées, et ces blessures se transmettent de génération en génération.»

De l'avis de M. Foster, «cela crée une forme d'oppression qui entoure ce groupe, génération après génération, et qui affecte non seulement la santé mentale des Autochtones, mais aussi leur santé émotionnelle et physique».

Les accusations contre Canadian Tire n'ont pas été prouvées. Une audience sur l'affaire des droits de la personne en Colombie-Britannique devrait avoir lieu en octobre.

La plainte allègue que Dawn Wilson et son père, Richard Wilson, étaient au magasin pour faire installer de nouveaux pneus. La fille affirme qu'un agent de sécurité d'une entreprise tierce a demandé à fouiller le sac à dos de son père, alors que d'autres clients possédaient des sacs similaires. Dawn Wilson, membre de la nation Heiltsuk, raconte que lorsqu'elle a évoqué l'incident avec l'un des mécaniciens du magasin. Au lieu de prendre l'incident au sérieux, celui-ci a réagi par une anecdote raciste.

Lorsque les deux ont rendu publique la plainte l'année dernière, Canadian Tire a publié une déclaration affirmant prendre très au sérieux les allégations de profilage racial et de racisme et qu'elles ne devraient pas se produire.

L'entreprise a déclaré que le propriétaire du magasin «a activement collaboré avec le tribunal depuis le dépôt de la plainte».

Canadian Tire n'a pas immédiatement répondu à une demande de mise à jour à la suite de la publication du rapport.

Des études insuffisantes

Lesley Jacobs a estimé que les recherches sur le sujet étaient insuffisantes, compte tenu de l'omniprésence du profilage racial des consommateurs.

Il a ajouté que le profilage racial des consommateurs ne reçoit pas la même attention que le profilage présumé de la police, par exemple.

«Ce que nous essayons de dire, c'est que le profilage racial des consommateurs autochtones est tellement courant qu'il n'est généralement pas aussi flagrant que lorsque la police intervient. On s'inquiète souvent des fusillades policières, du recours à la force et de tous ces incidents qui accompagnent les interventions policières, mais qui ne sont souvent pas liés au profilage racial des consommateurs», a-t-il relevé.

Greg Wilson, directeur des relations gouvernementales du Conseil canadien du commerce de détail pour la Colombie-Britannique, a dit ne pas pouvoir commenter la plainte des Wilson, mais a affirmé que le profilage racial des consommateurs est un problème grave au Canada.

«C'est, bien sûr, contraire à la Loi canadienne sur les droits de la personne et, malgré cette loi, nous reconnaissons certainement que des clients appartenant à des minorités visibles sont beaucoup plus susceptibles d'être suivis, fouillés ou ignorés dans un commerce de détail», a-t-il admis.

Il a indiqué que le Conseil offre des formations en ligne élaborées à la suite de plaintes, et que de nombreuses grandes entreprises proposent leurs propres formations. «Nous informons régulièrement nos membres et les autres détaillants abonnés à nos ressources que ce phénomène existe, et les incidents qui font l'actualité sont pour nous d'excellentes occasions de le faire», a-t-il affirmé.

MM. Foster et Jacobs, dont les travaux comprennent une étude de plus de dix ans sur les données raciales recueillies par le Service de police d'Ottawa lors des contrôles routiers, ont jugé que des données sur le profilage racial des consommateurs pourraient être recueillies si les grandes entreprises décidaient d'intensifier leurs efforts.

«Nous recherchons une banque nationale de premier plan pour collaborer avec des chercheurs afin de commencer à recueillir des données. Cela nous permettra d'identifier les risques de profilage racial des consommateurs autochtones lorsque des personnes ouvrent un compte bancaire, encaissent des chèques, etc., et de commencer à recueillir des données dans ces contextes avec ces partenaires volontaires», a indiqué M. Jacobs.

«De la même manière que dans le domaine policier, l'exemple d'Ottawa est devenu un modèle pour des dizaines d'autres services de police à travers le pays.»

La cheffe du Conseil tribal Heiltsuk, Marilyn Slett, a déclaré que la nation appuie toutes les recommandations du rapport de MM. Foster et Jacobs, qui incluent également des appels à une meilleure éducation, à une meilleure formation et à la reconnaissance du rôle important des mesures de justice réparatrice, notamment les cérémonies de guérison, pour réparer les préjudices.

«Nous avons tous, à des degrés divers, subi le type de discrimination dont nous parlons aujourd'hui, et nous savons qu'il faut y mettre fin. Nous devons pouvoir en parler, le mettre en lumière et trouver des moyens d'améliorer les choses», a-t-elle soutenu.

Ashley Joannou, La Presse Canadienne