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Le projet de Kennedy d'identifier les causes de l'autisme est jugé irréaliste

durée 09h00
11 mai 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

Pour de nombreux experts, la promesse du secrétaire à la Santé, Robert F. Kennedy fils, de «lever le voile» sur les causes de l'autisme en quelques mois est choquante et irréaliste.

Cela s'explique par le fait qu'elle semble ignorer des décennies de recherche scientifique reliant environ 200 gènes jouant un rôle, ainsi que la quête visant à comprendre les différences cérébrales pouvant être présentes dès la naissance.

«La quasi-totalité des données disponibles dans ce domaine suggèrent que, quelles que soient les causes de l'autisme — et il y en aura de multiples, pas une seule —, elles affectent toutes le développement du cerveau du fœtus», a expliqué David Amaral, chercheur de longue date sur l'autisme à l'UC Davis MIND Institute.

«Même si les comportements associés à l'autisme ne se manifestent pas avant l'âge de 2 ou 3 ans, les changements biologiques ont déjà eu lieu», a-t-il ajouté.

M. Kennedy a annoncé mercredi que les Instituts nationaux de la santé (NIH) créeraient une nouvelle base de données «pour découvrir les causes profondes de l'autisme et d'autres maladies chroniques» en fusionnant des demandes d'indemnisation Medicaid et Medicare avec des dossiers médicaux électroniques et d'autres données.

Il a cité la hausse des taux d'autisme comme preuve d'une épidémie de «maladie évitable» causée par une exposition environnementale et a promis «des réponses d'ici septembre».

L'autisme n'est pas considéré comme une maladie. Il s'agit d'un trouble cérébral complexe, mieux connu sous le nom de trouble du spectre de l'autisme, car il affecte chaque personne de manière différente.

Les symptômes varient considérablement. Pour certaines personnes, l'autisme profond se caractérise par un manque de communication verbale et des déficiences intellectuelles importantes. D'autres présentent des effets beaucoup plus légers, comme des difficultés d'apprentissage social et émotionnel.

Les taux d'autisme sont en hausse, non pas parmi les cas profonds, mais parmi les cas légers, a souligné Helen Tager-Flusberg, spécialiste de l'autisme à l'Université de Boston.

C'est parce que les médecins ont progressivement compris que les symptômes plus légers faisaient partie du spectre de l'autisme, ce qui a entraîné des changements à la fin des années 1990 et au début des années 2000 dans les directives de diagnostic et les qualifications pour les services éducatifs, a-t-elle précisé.

Le lien entre gènes et autisme remonte à des études sur des jumeaux il y a plusieurs décennies. Certaines variantes génétiques rares sont transmises des parents à l'enfant, même si le parent ne présente aucun signe d'autisme.

Mais ce n'est pas le seul type de mutation. À mesure que le cerveau se développe, les cellules à division rapide commettent des erreurs qui peuvent entraîner des mutations dans un seul type de cellule ou une seule partie du cerveau, a indiqué M. Amaral.

Des tests non invasifs peuvent détecter des différences dans les schémas d'activité cérébrale chez des bébés qui ne seront diagnostiqués autistes que bien plus tard, lorsque les symptômes apparaîtront, a-t-il ajouté.

Ces changements résultent d'altérations de la structure cérébrale ou de ses circuits neuronaux. Leur compréhension nécessite l'étude de tissus cérébraux disponibles uniquement après la mort, a mentionné M. Amaral, directeur scientifique d'Autism BrainNet, une banque de cerveaux collaborative. Financée par la Fondation Simons à but non lucratif, cette banque a collecté plus de 400 cerveaux, dont environ la moitié provenait de personnes autistes, le reste à des fins de comparaison.

Les chercheurs ont identifié d'autres facteurs pouvant interagir avec la vulnérabilité génétique et augmenter le risque d'autisme. Parmi ceux-ci figurent l'âge du père de l'enfant, la présence ou non de problèmes de santé de la mère pendant la grossesse, comme le diabète, la prise de certains médicaments pendant la grossesse et les naissances prématurées.

Toute inquiétude quant à un lien potentiel entre la vaccination contre la rougeole et l'autisme est depuis longtemps réfutée, a souligné Mme Tager-Flusberg, qui dirige une nouvelle coalition de scientifiques de l'autisme qui conteste les déclarations erronées de l'administration sur cette maladie.

Qu'en est-il du projet de base de données de Kennedy ?

Les États-Unis, avec leur système de santé fragmenté, ne disposeront jamais d'un suivi médical aussi détaillé que celui de pays comme le Danemark et la Norvège, dotés de systèmes de santé nationaux où les recherches montrent une augmentation similaire des diagnostics d'autisme, sans preuve tangible d'un impact environnemental.

Les experts affirment que la base de données prévue par M. Kennedy n'est pas adaptée à la découverte des causes de l'autisme, notamment en raison de l'absence d'informations génétiques.

Mais les chercheurs utilisent depuis longtemps les déclarations d'assurance et des données similaires pour étudier d'autres questions importantes, comme l'accès aux services pour l'autisme. Le NIH a également qualifié la future base de données d'utile pour les études portant sur l'accès aux soins, l'efficacité des traitements et d'autres tendances.

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Le département Santé et Sciences de l'Associated Press bénéficie du soutien du groupe Science and Educational Media du Howard Hughes Medical Institute et de la Fondation Robert Wood Johnson. L'AP est seule responsable de l'ensemble du contenu.

Lauran Neergaard, The Associated Press