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Pierre Fitzgibbon: Hydro-Québec doit miser sur l'intelligence artificielle

durée 09h30
16 mars 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Hydro-Québec et les entreprises doivent incorporer l’innovation et l’intelligence artificielle dans leur offre de service, sinon «on va manquer d’électricité» pour réussir la transition énergétique, a prévenu le ministre de l'Économie et de l'Innovation du Québec en marge du Forum sur la numérisation de l'industrie électrique, à Montréal jeudi.

Pour Pierre Fitzgibbon, le Québec n’arrivera pas à décarboner son économie «uniquement avec l’éolien et les barrages», et il faut notamment que les Québécois adoptent l’utilisation de l’intelligence artificielle et des objets connectés dans les résidences.

Par exemple, le ministre a expliqué à La Presse Canadienne qu’il compte sur Hydro-Québec pour éventuellement offrir à ses clients d’utiliser les batteries des voitures électriques pour fournir de l’énergie aux appareils domestiques.

Recharger un véhicule pendant la nuit, lorsque la demande d’électricité est faible, et renvoyer cette électricité vers d’autres appareils pendant le jour permet de diminuer la pression sur le réseau en période de pointe.

«Donc, quand on part le lave-vaisselle à deux heures du matin, on part la recharge de la voiture, ça fait moins de pression sur Hydro-Québec, alors le matin quand on se lève et que les enfants utilisent le "toaster", c’est la batterie de la voiture qui va l’alimenter», a expliqué le ministre.

«C’est une chose de dire aux gens de partir le lave-vaisselle à deux heures du matin, évidemment j’ai fait rire beaucoup de monde quand j’ai dit ça, même si j’avais raison, mais évidemment, ça prend plus que ça», a indiqué le ministre en faisant référence aux commentaires qu’il avait faits il y a quelques mois. 

Le lave-vaisselle et le véhicule connectés ne sont que des exemples de la vision de Pierre Fitzgibbon. À son avis, il faut développer plusieurs solutions numériques pour permettre aux clients d’Hydro-Québec de mieux gérer leur consommation.

Le ministre a également donné l’exemple de l'intelligence artificielle développée par Brainbox, qui a fait partie du palmarès des 100 entreprises technologiques de l’année du magazine Time en 2020 et qui a même remporté un prix à la COP26 à Glasgow.

Brainbox, une entreprise montréalaise qui fait affaire dans plusieurs pays, a développé une application qui permet d’optimiser la consommation d’énergie des grands immeubles. L'application collecte une multitude de données liées par exemple à la météo et au taux d’occupation d’un espace. Elle propose ensuite des modèles qui prédisent la quantité d’énergie optimale que doivent utiliser les grands immeubles. 

«L’intelligence artificielle qui gère les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation de nos bâtiments, c’est l’avenir», a indiqué Pierre Fitzgibbon.

«Les gens commencent à prendre conscience qu'on ne consomme pas nécessairement bien», alors «il faut les aider à mieux consommer et pour ça, il faut que la technologie soit au rendez-vous», a ajouté le ministre.

Convaincre les Québécois: un défi

Avant que le ministre Fitzgibbon prenne la parole jeudi au Forum sur la numérisation de l'industrie électrique, le vice-président responsable de la planification énergétique à Hydro-Québec, Dave Rhéaume, s’est aussi adressé aux entrepreneurs réunis dans un hôtel du centre-ville de Montréal.

Il a rappelé qu’après des décennies de surplus énergétique, convaincre les Québécois de l’importance de l’efficacité énergétique représentait un défi important pour Hydro-Québec.

Selon lui, Hydro-Québec doit «être prêt à dépenser au moins autant d'argent, à aider notre clientèle à moins consommer, que ce que ça coûte pour bâtir de la nouvelle production, équilibrer la nouvelle production et transporter et distribuer la nouvelle production».

Selon M. Rhéaume, Hydro-Québec doit «s'assurer que pour notre clientèle, c'est au moins aussi attrayant d’économiser de l'énergie que de demander à en consommer plus».

À ce sujet, le vice-président de la société d'État semble être sur la même longueur d’onde que le ministre Fitzgibbon et soutient qu’il faut miser sur les nouvelles technologies, les objets connectés et l’intelligence artificielle pour permettre aux clients de mieux gérer leur consommation.

M. Rhéaume a fait allusion aux produits axés sur la gestion de la consommation, pour lesquels Hydro-Québec ou le gouvernement offre des aides financières, comme des thermostats intelligents, des chauffe-eau connectés, des thermopompes ou encore les bornes de recharge de voitures connectées au réseau électrique.

Ces bornes dites «intelligentes» permettent la recharge de véhicules en dehors des pointes de consommation électrique et contribuent donc à diminuer la pression sur Hydro-Québec.

Mais est-ce qu'Hydro-Québec est prête à offrir à ses clients d'alimenter leur grille-pain, leur frigo ou leur télévision avec la batterie de leur véhicule électrique? 

Dans un échange de courriels, le porte-parole d'Hydro-Québec Louis-Olivier Batty a expliqué que la société d'État suit de près le développement des technologies qui permettent aux batteries des véhicules électriques de fournir de l’énergie à une maison ou au réseau électrique.

Le porte-parole a évoqué «la possibilité qu’un jour plusieurs millions de véhicules électriques puissent contribuer aux besoins lors de pointes de consommation en hiver».

M. Batty a souligné que «théoriquement, un million de véhicules électriques pourraient fournir 7000 MW de puissance à la pointe, soit plus de quatre fois la puissance installée du complexe La Romaine (1550 MW)».

Il a expliqué que «c'est un scénario optimiste puisqu’il faudrait que tous ces véhicules soient stationnés et fournissent en même temps et que, pour l’instant, peu de modèles de véhicules et de bornes offrent cette fonctionnalité».

Toutefois, a ajouté le porte-parole, «les véhicules électriques ont clairement un potentiel très intéressant de pouvoir fournir de l’électricité lors des pointes de consommation».

Selon la Régie de l’énergie du Canada, en 2019, la consommation d’électricité par habitant au Québec s’est établie à 24 mégawattheures, ce qui le place au premier rang au pays pour la consommation d’électricité par habitant, 60 % au-dessus de la moyenne nationale.

Toujours selon la Régie de l’énergie, même s'il est le 39e plus grand pays en termes de population, le Canada a été, en 2020, le quatrième plus grand consommateur d’électricité par habitant.

Stéphane Blais, La Presse Canadienne