Plastique: le Canada préfère ne pas avoir de traité plutôt qu'en avoir un mauvais


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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Il vaut mieux ne pas avoir d'entente que de conclure une mauvaise entente, selon les fonctionnaires canadiens qui ont participé aux négociations sur un traité visant à lutter contre la crise mondiale de la pollution plastique.
Des positions qui semblent irréconciliables ont fait en sorte que les membres des 184 pays qui tentaient d'élaborer le premier traité mondial contre la pollution plastique ont été incapables d'accoucher d'un texte à Genève, en Suisse.
Mais pour Michael Bonser, sous-ministre adjoint délégué à Environnement et Changement climatique Canada, vaut mieux ne pas avoir de traité que d'avoir un mauvais traité.
«Nous savions que ne pas signer un mauvais traité était meilleur que simplement obtenir un traité faible» et «je vais être honnête avec vous, je crois que certains pays (dont les positions différaient de celle du Canada) croyaient qu'on accepterait n'importe quel traité juste pour montrer qu'on fait quelque chose, mais ils se sont trompés», a indiqué le négociateur canadien lors d'une conférence de presse vendredi matin.
Depuis le début des négociations, il y a presque trois ans, une coalition majoritaire de pays proposait que le traité final sur la pollution plastique inclue une limite à la quantité de plastique que les entreprises peuvent produire.
Mais les États-Unis, l’Arabie Saoudite, la Russie et l’Inde s’opposaient à tout plafonnement des plastiques vierges.
L'agence de presse Reuters a même rapporté que l'administration Trump a envoyé des mémos à une poignée de pays les exhortant à rejeter un traité qui imposerait des limites sur la production du plastique.
Questionné sur ce «mémo», Michael Bonser a répondu ceci:
«Si ce mémo a existé, je ne l'ai jamais vu. Mais nous savions pertinemment que la question de la production de plastique et de son plafonnement serait extrêmement complexe pour les États-Unis, mais ce n'était pas seulement le cas pour eux. De nombreux pays, issus de nombreuses régions, ont suggéré que le plafonnement de la production allait trop loin.»
Pour les États-Unis, a ajouté le négociateur canadien, l'inclusion d’un plafond à la production de plastique dans le traité était effectivement une «ligne rouge» à ne pas franchir.
Les puissants pays producteurs de pétrole et de gaz, comme les États-Unis, l'Inde, la Russie et l'Arabie Saoudite, et les représentants de l’industrie du plastique qui participaient aux négociations, souhaitaient un traité axé sur une meilleure gestion et réutilisation des déchets plutôt que de s’attaquer au problème à la racine.
La suite est incertaine
Après l'échec des négociations vendredi, les délégués n'ont fait part d'aucun plan immédiat de reprise des discussions.
Il n'est pas clair donc, s'il y aura, à court terme, d'autres négociations sur la pollution plastique et quand et où celles-ci auront lieu.
Le Canada estime «qu'il faut poursuivre les négociations difficiles portant sur cet enjeu» et «pas seulement avec les pays avec qui nous sommes d'accord», a indiqué Michael Bonser.
Ana Rocha, directrice de GAIA, un réseau de groupes environnementaux présent dans des dizaines de pays, a salué la décision des pays qui ont refusé de signer un mauvais traité.
«Nous soutenons la majorité ambitieuse qui a refusé de reculer et d'accepter un traité qui manque de respect aux pays véritablement engagés dans ce processus et trahit nos communautés et notre planète», a-t-elle écrit dans un communiqué.
Une fois de plus, selon la directrice de GAIA, «les négociations ont échoué, entravées par un processus chaotique et biaisé qui a laissé même les pays les plus engagés dans l'impossibilité de se faire entendre».
Inger Andersen, directrice exécutive du Programme des Nations unies pour l'environnement, a pour sa part déclaré que, malgré les difficultés et la déception, «nous devons reconnaître que des progrès significatifs ont été réalisés».
Ce processus ne s'arrêtera pas, a-t-elle ajouté, mais il est trop tôt pour dire combien de temps il faudra pour parvenir à un traité.
Un fléau
L’humanité produit plus de 430 millions de tonnes de plastique chaque année et ce matériel, dérivé du pétrole, est rendu tellement présent dans nos vies et dans l’environnement que des microplastiques ont même été trouvés dans le placenta de femmes en bonne santé, selon une étude récemment publiée dans le journal Toxicological Sciences.
Avant les négociations qui se déroulent en Suisse, la revue médicale The Lancet a publié un résumé de certaines études selon lequel les matériaux utilisés dans les plastiques provoquent de nombreuses maladies «à chaque étape du cycle de vie des plastiques et à chaque étape de la vie humaine».
Stéphane Blais, La Presse Canadienne