Une chercheuse alerte sur des échanges «extrêmement effrayants» sur un forum incel

MONTREAL — Une doctorante de l'Université du Québec à Montréal (UQAM) a tiré la sonnette d'alarme concernant la diabolisation des femmes qui a eu lieu sur des fils de discussion d'incels, après avoir analysé des échanges sur un forum virtuel masculiniste.

La violence envers les femmes s'est déplacée depuis de nombreuses années en ligne, où la genèse de certains crimes à leur égard prend parfois vie. Cette haine numérique est d'ailleurs la thématique de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, qui aura lieu mardi.

Océane Corbin, doctorante en communication à l'UQAM, en sait quelque chose. Elle a passé près de trois ans en immersion au sein du principal forum des incels, les «célibataires involontaires», qui est disponible en libre accès.

Les incels sont «presque exclusivement des hommes hétérosexuels qui souhaiteraient être en couple avec des femmes et qui n'y arrivent pas pour multiples raisons», a-t-elle résumé en entrevue avec La Presse Canadienne.

«Ils vont désigner les femmes et plus spécifiquement l'émancipation des femmes comme étant responsables de ce célibat», a-t-elle expliqué.

Souvent composée d'hommes âgés de 13 ans à 30 ans, cette mouvance masculiniste va parfois jusqu'au point de vouloir «commettre des violences et de punir les femmes parce qu'elles sont émancipées».

Mme Corbin a raconté avoir été témoin de «choses extrêmement effrayantes» lors de sa plongée dans ce forum international, allant du partage de listes de drogue qu'on peut utiliser pour affaiblir des personnes avant d'abuser d'elles à des confessions d'agressions sexuelles.

Elle a d'ailleurs remarqué que la confession du désir de viol est extrêmement présente sur ces fils de discussion.

«On retrouve à peu près toutes les 30 minutes un message publié qui confesse vouloir commettre une agression sexuelle», a-t-elle témoigné.

Et le Québec n'échappe pas à cette mouvance qui a émergé dans les années 2010.

«On a d'autres forums québécois où l'on va trouver des discours masculinistes et des discours qui peuvent être assimilés au mouvement incel», a souligné Mme Corbin.

Il est surtout très difficile de réglementer de tels fils de discussion, a indiqué la doctorante, puisque ces forums sont souvent basés aux États-Unis et difficiles à contrôler.

«Il y a un gros manquement au niveau législatif actuellement au Québec et dans le monde vis-à-vis de ce genre de plateformes», a avancé la chercheuse, qui n'a parfois eu nulle part où aller lorsqu'elle voulait signaler des propos tenus sur le forum.

Elle a toutefois mentionné qu'un projet de loi sur les menaces d'agression sexuelle en ligne est en cours au Québec.

Selon elle, l'éducation reste la clé pour pouvoir mettre un frein au mouvement incel qui vient souvent recruter aux débuts de l'adolescence, lorsque les garçons vivent leurs premiers rejets amoureux.

Mme Corbin estime qu'il faut apprendre aux jeunes hommes à déconstruire d'avance les arguments avancés par les membres de cette communauté.

Audrey Sanikopoulos, La Presse Canadienne