La prématurité et l'agressivité
Par Chantal David
Bonjour Mme David,
J'ai un petit garçon qui va avoir 4 ans bientôt. Il est né prématuré à 33 semaines de grossesse avec un retard intra-utérin. Il pesait 1,5 kilogrammes (3 livres) à sa naissance. Il a eu 10 % d'oxygène la première semaine. Il est, heureusement, est tout à fait normal. Depuis qu'il est petit, il est toutefois agressif dans ses mouvements... Je me suis dit, c'est un garçon, c'est normal.... Au fur et à mesure il était un peu plus agressif avec les amis. Il ne partage pas, crie, etc. Comme beaucoup d'enfants j'imagine. Je me suis dit : il est dans la phase du « Terrible deux ». Ensuite il s'est mis à frapper les amis, à mordre etc. Là, il ne mord plus, mais il est très impatient, pousse et frappe toujours les amis à 4 ans... Il a de la misère à faire passer ses messages, il ne communique pas bien malgré le fait qu'il parle très bien. Je travaille très fort à ce sujet. Je lui explique qu'il n'aura plus d'amis s'il continue à les frapper, que personne ne voudra jouer avec lui. Il comprend, mais parfois il recommence. Il a fait beaucoup de progrès suite aux conséquences que je lui impose. Je lui enlève sa bicyclette ou autre (des choses qui lui tiennent à coeur). Mais maintenant, aussitôt que je lui dis non, il fait des crises, pousse, frappe, etc... Est-ce-le « Terrible 4 »? Il a commencé un genre de pré-maternelle anglophone et l'intervenante me dit que c'est un enfant très nerveux et quand il est insécure, il frappe, crie etc. Elle doit le calmer pour le sécuriser et parfois, avec les autres enfants, quand il échange ou communique il est agressif. Il n'est pas capable de le faire doucement. Elle m'a dit qu'il a fait du progrès depuis septembre. C'est un enfant actif. Je dois faire du sport avec : nage, patin, bicyclette, jouer dehors, etc. Mais, en tout temps, je dois être là même lors des activités dirigées car il fait des crises. Je dois être là pour le sécuriser et ça va bien. De plus, je n'ai pas confiance en lui quand il est tout seul avec les amis. Je ne sais pas s'il va être gentil ou pas. Heureusement, ça va de mieux en mieux, car il a commencé à aller chez une petite amie tout seul et la maman m'a dit qu'il était toujours gentil quand il y allait. Je suis un peu fatiguée de toujours intervenir. Est-ce que cela à rapport avec la prématurité (le fait qu'il a été bousculé a sa naissance, intubé, manque de sécurité etc..) J'aimerais si possible avoir votre avis.
J. Dufour, Marieville
Dans votre questionnement, il y a des éléments de réponses. Pour bien faire, on intervient beaucoup auprès de l'enfant et il finit par savoir ce qui nous atteint. Prendre du recul n'est pas une mauvaise idée. Avant de vous répondre j'ai pris du temps pour échanger avec des collègues de différentes disciplines sur leurs observations face aux enfants nés prématurément. Ils s'entendent pour dire qu'effectivement, on remarque chez les enfants prématurés une plus grande difficulté avec l'impulsivité, de l'agitation, difficulté de concentration. Ils peuvent également se sentir agressés par les bruits, la lumière, etc.
Chose certaine, ils peuvent être demandant au niveau de l'encadrement et ils testent beaucoup les parents. Par contre, on ne peut, sur le seul facteur de la prématurité, établir que c'est la cause de tous les problèmes. En intervention sociale, on se rend compte que pour un problème, il n'y a pas une cause unique. Il y a des enfants prématurés qui ont peu ou pas du tout de séquelles.
Dans votre cas, il ne s'agit pas d'un grand prématuré, mais en même temps, il était de très petit poids et il a manqué d'oxygène. Sa capacité d'intégrer des interdits, des consignes peut donc en être affectée. Peut-être avez-vous déjà eu des conseils concernant les meilleures façons d'agir avec des enfants qui ont de la difficulté à accepter l'encadrement parental ? Sinon, voici quelques attitudes qui aident l'enfant :
- Toujours regarder l'enfant dans les yeux quand vous lui donnez une consigne.
- Choisir un nombre restreint de consignes (en sachant qu'il peut en réussir au moins une ou deux là-dedans).
- Faire des tableaux de comportements pendant des périodes de 2,3 ou 4 semaines.
-Renforcer beaucoup ce que l'enfant fait de bien. Donc, chaque fois que vous êtes contente d'un comportement, vous le soulignez sans revenir sur le passé. Pour cela, il faudra observer et noter les bons comportements de votre enfant.
-Les conséquences naturelles à ses actes doivent être proportionnelles et de durée raisonnable pour éviter qu'il ne sache plus pourquoi il est puni et/ou qu'il développe une indifférence. Il faut éviter de lui enlever des objets ayant un rapport affectif (doudou, toutou, menace de perdre notre amour, etc.).
- Je vous conseillerais de mettre l'emphase sur un avenir meilleur. Par exemple, au lieu de lui dire qu'il n'aura pas d'amis s'il continue à taper, il serait préférable de lui dire que chaque fois qu'il agit adéquatement avec ses amis. Il s'assure d'être entouré en grandissant.
- Une routine sécurisante pour l'enfant est toujours un atout lorsqu'on veut qu'il améliore ses comportements.
Il est intéressant de voir que votre enfant fait des progrès depuis septembre, à la prématernelle. Il serait bon de voir qu'est-ce que l'éducatrice a mis en place pour favoriser cette amélioration. De cette façon, vous pourrez valoriser votre enfant et peut-être utiliser certains petits trucs. Ceci étant dit, j'aimerais souligner que dans le développement de l'enfant, il est très normal, pour lui, de tenter des expériences pas toujours heureuses du genre mordre, taper et crier. Effectivement, en général, un petit garçon peut être très moteur, agité et agressif. Le côté sécurité, qui ressort dans votre questionnement peut être associé à différents aspects. Je ne connais pas tout le contexte dans lequel évolue votre enfant mais il est évident que s'il a été longtemps à l'hôpital, s'il a vécu des séparations avec vous et/ou son père, s'il a vécu d'autres ruptures importantes (deuil, plus d'un déménagement, séparation, problème de santé, etc.), il peut avoir développé de l'insécurité. À cela je vous reparle de la routine parce que c'est très sécurisant pour un enfant ainsi que bien sûr, les moments de qualité passés ensemble où le plaisir est au rendez-vous.
Ce que je lis également, c'est que vous semblez mettre beaucoup d'énergie pour encadrer votre garçon du mieux possible et à ce sujet, je crois qu'il faut sincèrement vous féliciter de ces efforts, de ces réussites (eh oui, il y en a !) et de cette préoccupation que vous avez d'aider votre enfant le mieux possible. Comme parent, il peut être ressourçant d'avoir du temps pour soi et/ou d'aller dans des regroupements de parents où on peut échanger. J'ai le goût de vous dire d'être bonne avec vous-même et de ne pas vous demander d'être « super-maman » en tout temps.
En terminant, je vous laisse les coordonnées de l'APEP (Association des parents d'enfants prématurés du Québec) à Montréal, au 514 523-3974 ou 514 846-1229. Vous trouverez également un ouvrage sur le sujet aux éditions de l'hôpital Ste-Justine.
