Les frontières

Par Chantal David
Cette semaine, j'aborde avec vous le concept des «frontières». Dans l'approche psychocorporelle intégrée (PCI), on parle des frontières pour imager les limites que l'on met autour de soi. L'être humain se met des frontières pour délimiter son territoire, son espace et se protéger des autres. Elles servent aussi à vivre AVEC les autres en meilleur équilibre.
Des frontières «bien ajustées» permettent de sentir son espace, d'être à l'aise avec les autres, d'être proche d'eux tout en préservant son intimité. Elles permettent de rester en contact avec nos besoins, nos émotions, nos réactions physiques ou autres, bref c'est très sain d'avoir ces fameuses frontières. Imaginez comment c'est important d'être conscient de nos frontières en tant que parent et de réaliser que nos enfants aussi en ont !
Quand on observe notre façon de mettre nos frontières, ont peut réaliser qu'elles sont flexibles, ce qui est idéal. On peut également s'apercevoir qu'elles sont rigides. Ce que les gens disent alors c'est : «J'ai bâti un mur autour de moi» Et quand je les fais explorer ce mur, parfois c'est un véritable château fort !
On peut aussi prendre conscience que nos frontières sont très très souples, voire même presque inexistantes. Les gens qui se retrouvent dans cette situation ont tendance à fusionner avec les autres. Ils sont carrément «dans les frontières des personnes qui les entourent. Ils ne forment qu'une seule frontière avec leur conjoint-e ou avec leur enfant. Et ils ont presque peur d'avoir des limites comme si cela allait les jeter dans l'isolement.
Il y a un exercice concret que l'on fait avec une corde ou tout autre objet qu'on peut mettre autour de soi pour symboliser la frontière et qui permet d'explorer, tout en respirant profondément, comment on se sent avec une frontière face à soi-même et aux autres.
L'exercice se fait seul, avec un intervenant, en couple, ou en groupe (2 par 2). Il est intéressant de voir ce qui ressort de cette expérience qui parle énormément de nos façons de fonctionner dans nos relations.
Abandon ou envahissement ?
Qu'est ce qui fait que nous avons des frontières rigides ou trop souples ? La plupart des humains ont des blessures d'abandon ou d'envahissement. Ces blessures sont parfois très petites et d'autres fois très profondes. Bien sûr, pour mieux illustrer mon propos, je vais parler des extrêmes.
Dans la situation où une personne a des frontières rigides, on sait qu'elle a des blessures d'envahissement importantes. Par exemple, elle a vécu de la violence ou peut-être des abus sexuels dans l'enfance ou encore, elle a eu des parents contrôlants, intrusifs, s'est sentie étouffée car elle faisait partie d'une famille nombreuse, etc.
Une personne qui s'est sentie envahie va avoir tendance à ériger des frontières très solides (mur épais) où il y aura peu de place ou pas du tout pour la souplesse. De cette façon, elle se protège de situations/relations où elle pourrait être envahie. Elle a une attitude de méfiance envers les autres. Elle a besoin d'espace, de paix ! On a l'impression que le message qu'elle envoie à tout le monde c'est «Tassez-vous, j'ai besoin d'oxygène!»Vous avez sans doute reconnu le parent qui a des tendances autoritaires, parfois jusqu'à être abusif. Ses enfants vont avoir une tendance à la soumission. Bien entendu, la révolte gronde et peut exploser éventuellement.
Quand une personne a des frontières floues, on sait que ses blessures d'abandon ont été plus marquantes pour elle. Elle peut avoir été abandonnée de façon concrète (à la naissance ou plus tard), elle peut avoir eu des parents négligents ou absents, elle peut avoir été abusée sexuellement dans l'enfance et avoir vécu le sentiment d'abandon face au parent non protecteur.
Bref, c'est peut-être un enfant unique ou d'une famille nombreuse laissé à lui-même. Sa plus grande peur, c'est d'être laissée, d'être seule et d'être face à son sentiment d'inutilité. Ses frontières sont floues, parfois inexistantes et, donc, elle développera une dépendance face aux autres, ne mettra pas de limites, etc. Elle se laissera envahir avec plaisir.
Vous imaginez le parent sans frontières claires avec un ou plusieurs enfants ? Ce parent va se retrouver avec un enfant-roi par exemple. Il va se dire victime de l'agressivité de son enfant. Ce dernier va étouffer dans la relation avec son parent et éclater. Il peut être triste ou agressif. Chose certaine, parent et enfant ne vont pas bien.
L'adulte aux prises avec une blessure d'abandon accentuée n'est souvent pas en contact avec lui-même, il gravite et il développe des compulsions (nourriture, alcool, etc). Il fera tout pour ne pas être laissé alors que celui qui a des frontières rigides va couper avec les autres. Mais voilà, une adulte peut être aux prises avec les deux blessures et doit donc jongler avec, tantôt le besoin de repousser et, tantôt, avec celui de s'accrocher. Par exemple, c'est la personne qui va dire à son nouvel amoureux qu'elle a besoin de lui et veut aller vivre avec après un mois de fréquentations et, le jour suivant, part en claquant la porte, car il ne peut plus supporter l'autre. Le message est «Aimez-moi mais ne vous approchez pas trop !».
Vous pensez bien que l'enfant doit s'ajuster aux frontières de son parent et lui aussi devient conscient des siennes. D'imaginer que notre enfant a des frontières lui aussi nous permet d'éviter de trop l'envahir, de préserver son intimité, son «jardin secret», tout en étant là émotivement et affectivement pour lui.
En résumé
Nos frontières, c'est comme les frontières d'un pays. Ne rentre pas qui veut ! Il faut passer aux douanes et rendre des comptes sur ce qu'on va faire dans ce pays.
Rappelez-vous que quand vous vous laissez constamment envahir, vous en subissez les conséquences. Vous êtes épuisé, stressé, finissez pas exploser, ou par décrocher à bout de ressources. Tout le monde vous aime car vous ne dites jamais «non» mais à quel prix ? Quand vous mettez vos limites, les gens qui vous aiment vraiment vous respecterons davantage.
Les enfants sont sécurisés et à l'aise face à un adulte qui a des frontières. Par contre, des frontières trop rigides vous isolerons, vous serez privé de relations intimes et les gens se sentiront «abandonnés» par vos attitudes.
Ah ! Cherchez l'équilibre, c'est le travail de toute une vie !
Bonnes frontières !
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