Étude internationale
Les revers des appareils numériques pour réguler l'émotion d'un enfant
Par La Presse Canadienne
Plus un enfant est frustré, plus les parents auront tendance à utiliser des appareils numériques pour réguler les émotions de l'enfant, confirme une étude internationale récemment publiée dans la revue Frontiers in Child and Adolescent Psychiatry, à laquelle a collaboré l'Université de Sherbrooke.
Bien qu'à court terme, mettre une tablette électronique entre les mains d'un jeune en colère soit efficace, cette stratégie peut entraver à long terme le développement des compétences d'autorégulation de l'enfant, entraînant une moins bonne gestion de la colère.
Ce processus peut conduire à une boucle de rétroaction positive entraînant une dépendance accrue à l'égard des appareils numériques et une éventuelle utilisation problématique des médias sociaux, des crises de colère liées au temps passé devant l'écran et une dépendance technologique.
«Nous avons découvert que fréquemment les appareils vont réguler les émotions des enfants qui vont avoir plus de problème de comportement ou d'attention. Par exemple, ils ne seront pas en mesure de se concentrer volontairement, peut-être parce que les contenus sur ces appareils sont très intensifs et stimulants et ils arrivent facilement à capter votre attention. Les enfants n’apprennent pas à contrôler leur attention ailleurs sur une longue période ou apprendre à ignorer des dérangements autour», a expliqué en entrevue l'autrice principale de l'étude et chercheuse à l'université Eötvös, à Budapest, Vera Konok.
Au total, 265 parents ont participé à l'étude avec leur enfant qui avait en moyenne 3 ans et demi et un suivi a été réalisé un an plus tard sur leur comportement. «Un questionnaire demandait aux parents s’ils utilisent des appareils pour calmer leur enfant et l’émotion de l’enfant dans des moments comme quand l’enfant est frustré ou fâché, par exemple s’il doit aller au lit ou s’il n’obtient pas ce qu’il veut», a précisé Mme Konok.
L'utilisation généralisée des appareils numériques comme la télévision, les jeux vidéo, l'ordinateur, les téléphones intelligents ou les tablettes peut influencer la cognition, les émotions et la santé mentale des adultes, mais pour les jeunes enfants ces effets sont exacerbés, car le cerveau et le processus cognitif sont encore en développement. Cela les rend potentiellement encore plus vulnérables à l'influence de ces technologies.
L'autorégulation est définie dans l'étude comme l'organisation ou la modulation des réponses affectives, mentales et comportementales, y compris le contrôle des expériences et des expressions émotionnelles, des processus cognitifs ainsi que des comportements d'approche ou de retrait qui sont appelés contrôle de l'effort dans l'étude.
Le contrôle de l'effort est la capacité des enfants à inhiber une réponse dominante au profit d'une réponse sous-dominante. Ce processus implique la gestion de l'attention ou du comportement et il se développe également à travers les relations sociales initiales des enfants avec leurs parents. La régulation des émotions par des appareils numériques entraîne un moins bon contrôle de l'effort.
Pour les jeunes enfants, la télévision est souvent regardée avec les parents, mais ce n’est pas le cas des tablettes et des téléphones intelligents qui sont souvent utilisés seul, a souligné Mme Konok. «C’est un problème parce que cette activité isole l’enfant d’autres activités importantes en termes d’interactions sociales, ce qui est un aspect important à développer à un jeune âge», dit-elle.
L'étude suggère que l'utilisation d'appareils numériques pour la régulation des émotions pourrait être un facteur déterminant dans le développement des difficultés de l'enfant à l'égard de divers aspects de l'autorégulation.
«Les enfants doivent apprendre à gérer leur patience, ils doivent s’ennuyer. C’est important pour un enfant de s’ennuyer, car ils doivent trouver de nouvelles activités par eux-mêmes et utiliser leur créativité pour ce faire», a déclaré Mme Konok.
Les parents donnent souvent des appareils numériques à leur enfant pour qu'il les occupe, un peu comme une fonction de gardiennage et pour arriver à contrôler leur émotion. Une étude de 2015 de la American Academy of Pediatrics a pointé que 65 % des parents utilisaient des appareils électroniques pour calmer leur enfant.
L'étude de Mme Konok souligne que l'utilisation des appareils numériques par les jeunes enfants est en nette augmentation et les enfants sont exposés aux écrans à des stades de développement de plus en plus précoces.
À la lumière des résultats, l'étude conclut qu'il faudrait sensibiliser les parents sur les effets néfastes de la régulation des émotions par des appareils numériques. Les pédiatres, les psychologues et autres professionnels qui travaillent auprès des familles devraient interroger les parents sur l'utilisation des médias numériques au sein de la famille.
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Katrine Desautels, La Presse Canadienne
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