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L'homme le plus fort du campus

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16 juillet 2013
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Par Myriam Tougas-Dumesnil

Le 10 octobre 1863 naissait en Montérégie l'homme le plus fort du monde. À l'époque, ni ses parents ni ses voisins de Saint-Cyprien-de-Napierville ne pouvaient se douter que par sa force phénoménale, Louis Cyr inspirerait pendant des générations les jeunes de la province. 150 ans plus tard, des éducateurs du Campus de Chambly, un centre de réadaptation en internat situé à quelques kilomètres de son village natal, organisent des concours d'hommes forts pour encourager les jeunes à reprendre le droit chemin.

Ils sont quelques dizaines de garçons, de 12 à 19 ans, à loger au Campus de Chambly. Certains ont des problèmes de santé mentale, d'autres des antécédents criminels. Une partie d'entre eux demeure en unité ouverte et peut quitter le centre pour se rendre à l'école. Les autres vivent en unité fermée et il leur est interdit de passer l'enceinte du Campus. La clientèle du centre de réadaptation de Chambly est certes assez diversifiée. Mais après avoir vu les adolescents compétitionner, le 9 juillet, dans l'espoir de devenir le résident le plus fort du Campus, il est indéniable qu'ils ont tous un point en commun : la testostérone.

 

« L'activité répond en plein dans le mile aux besoins des gars de se défouler et se dépasser », s'enthousiasme Catherine Saint-Pierre. Dans la cour intérieure du centre de réadaptation, la chef de service à l'unité Le Mistral sourit à pleines dents en regardant un jeune s'évertuer à lever un billot de 150 livres. « C'est la deuxième année qu'on fait l'activité et les jeunes trouvent ça trippant. On doit tout à Yvan », insiste-t-elle en lui lançant un regard reconnaissant.

 

Yvan Leclerc est éducateur au Campus de Chambly. Il y a deux ans, c'est lui qui a permis aux garçons de l'unité fermée de participer à une compétition d'hommes forts pour la première fois. « Ça fait dix ans que l'activité existe au sein des commissions scolaires, mais les jeunes des centres jeunesse en unité fermée n'y avaient jamais accès », raconte-t-il. C'est pourquoi il a décidé d'organiser une activité à l'intérieur des murs du Campus.

Implanter un tel concours au centre de réadaptation n'a pas été facile. « Même ici, à l'interne, il a fallu combattre des préjugés. Il y en a qui se disaient que parce qu'ils allaient tirer un camion, les jeunes penseraient pouvoir péter la gueule à tout le monde », déplore l'éducateur. Selon lui, la compétition d'hommes forts peut apporter beaucoup aux résidents du Campus. « On mise sur une activité de gars, qui est de faire valoir ses muscles. Dit comme ça, ça peut paraître moron, mais l'entraînement leur permet de canaliser leurs pulsions pour se construire au lieu de détruire les autres. C'est là que ça prend de la valeur et qu'on va vers quelque chose de positif », tient-il à rappeler.

La compétition lui a également permis de transmettre ses bonnes habitudes de vie aux adolescents. Pendant plusieurs semaines, ces derniers ont pu participer à des séances d'entraînement qu'il supervisait. Ils en ont profité pour lui poser quelques questions. « Ça me donne l'occasion de leur tenir un discours qui passe mieux. Je leur ai expliqué que c'est pendant le sommeil que les muscles se régénèrent et que si t'as fait de la coke toute la nuit, c'est pas trop bon. Je pense que le discours antidrogue, à ce moment-là, a beaucoup plus d'impact que si on asseyait les gars pendant une heure et demie pour leur faire écouter une conférence. »

À les entendre parler des exploits physiques qu'ils ont accomplis, il est évident que les jeunes du Campus ont apprécié la compétition d'hommes forts, qu'ils qualifient de « cool » et de « chill». Même la préparation à la compétition semble avoir amusé les adolescents. « On a des programmes d'entraînement déjà faits avec des photos qu'on peut regarder quand on ne sait pas comment faire. On peut aller s'entraîner avec un éducateur quand ça nous tente », se réjouit Simon*.

Favoriser la saine compétition

Oui, les jeunes du centre de réadaptation sont bourrés de testostérone et se donnaient à fond pour performer lors des différentes épreuves. Toutefois, il régnait dans la cour du Campus une ambiance bon-enfant, amicale et surtout festive. « Même au niveau professionnel, quand on regarde les concours d'hommes forts à la télévision, les gros bonshommes s'encouragent toujours. C'est un sport avec un bon esprit sportif et on a voulu reproduire ça », explique l'organisateur de l'événement Yvan Leclerc.

Selon sa collègue Catherine Saint-Pierre, l'attitude des jeunes est particulièrement agréable lors de cette compétition. « On fait beaucoup d'activités sportives. Ce serait long de les énumérer une après l'autre. Mais souvent, on fait des activités et on doit intervenir au courant de la journée. Là, tout se fait naturellement. Les jeunes s'encouragent et c'est beau à voir.»

Le concours permet non seulement d'améliorer les relations entre les résidents du centre, mais aussi de leur faire vivre des réussites. « Quand les gars voient le camion, ils pensent qu'ils ne seront jamais capables de le tirer. Mais on a vu dans les écoles qu'à peu près tout le monde est capable. On savait qu'ils pourraient le faire et ça donne un boost à l'estime de soi. » À voir le visage des jeunes pendant la compétition et à les entendre s'encourager aussi intensément, cela ne fait aucun doute.

 

Gageons que le gym du centre de réadaptation sera en demande l'an prochain, avec plusieurs dizaines de futurs Louis Cyr qui rêvent déjà d'être couronnés l'homme le plus fort du Campus!

*Nom fictif pour protéger l'identité du jeune homme.

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