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CALM : Trente ans d'éducation populaire

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5 juillet 2013
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Par Myriam Tougas-Dumesnil

Ils sont anglophones, hispanophones, décrocheurs ou simplement malchanceux. Femmes, hommes, jeunes et moins jeunes. Il est pratiquement impossible de les identifier. Pourtant, ils sont 800 000 à évoluer tous les jours parmi nous. 800 000 Québécois, de 16 à 65 ans, analphabètes.

« Tout le monde a des préjugés. J'ai des préjugés. » Daniel Rondeau est directeur du Comité d'Alphabétisation Locale de Marieville (CALM), un organisme à but non lucratif qui offre un programme gratuit d'alphabétisation pour les gens de la région. Ancien syndicaliste, M. Rondeau livre aujourd'hui un combat pour que « les naufragés du système scolaire », comme il les appelle, cessent d'être vus comme des personnes inaptes.

«Ça vient peut-être du monde syndical, mais quand je participais aux sorties communautaires, au début, ça me choquait de voir qu'on les traitait comme des enfants. J'ai voulu faire quelque chose », se souvient-il. Aujourd'hui, certains apprenants siègent au Conseil d'administration du CALM. Ils organisent eux-mêmes les activités et sorties auxquelles ils participent durant l'année scolaire. « On a vraiment eu une belle réponse de leur part », se réjouit Daniel Rondeau.

Une communauté-mosaïque

Au fil des ans, la clientèle du CALM s'est grandement diversifiée. Bien sûr, une bonne partie d'entre elle est composée de jeunes décrocheurs qui veulent compléter leur secondaire ou entamer une démarche de retour aux études. Mais ceux qui cognent à la porte du Comité d'Alphabétisation Locale de Marieville sont de plus en plus âgés.

« Il y a des gens de plus de cinquante ans, les analphabètes d'usine. Souvent, ils viennent parce qu'ils doivent faire face à des mises à pied, après plusieurs années de service au même endroit », explique Daniel Rondeau.

Louise Comeau est l'une d'entre eux. À 59 ans, elle commence à craindre pour son emploi. « Ça va faire treize ans que je suis là, mais tout commence à être robotisé et des jobs se perdent », explique-t-elle, d'une voix inquiète. « Juste la semaine passée, il y a eu 25 mises à pied. »

C'est en se rendant dans un bureau d'Emploi-Québec qu'elle a entendu parler du CALM. « J'ai commencé mes cours en automne 2012. Je travaillais, donc j'apportais mes travaux à la maison. » Aujourd'hui, Louise n'a plus que quelques examens à compléter avant d'obtenir son diplôme d'études secondaires. « Pour l'instant, je suis chanceuse. Je travaille encore le soir et la nuit. Mais je veux un horaire fixe. Et les employeurs demandent tous un secondaire 5. »

Louise n'est pas la seule dans sa situation. Un autre apprenant du CALM a 55 ans. Il a été mis à la porte par son employeur après 25 ans de service. « Il a une détermination de fer ! Ce n'est pas parce que tu ne fais plus partie de la chaîne de production que tu n'as pas le droit d'apprendre », s'exclame Daniel Rondeau, avec vigueur.

Et ce n'est pas parce que tu fais appel au Comité d'Alphabétisation Locale de Marieville que tu as peu d'éducation. Lidia Rodriguez est apprenante au CALM depuis un an et demi, en plus d'être Chamblyenne depuis trente ans et…dentiste ! « Je parle le français à ma façon, mais je veux savoir comment l'écrire », confie-t-elle, d'un accent qui rappelle le soleil et la mer.

Bien plus que la langue

Lidia n'est pas la seule hispanophone à faire appel au CALM pour apprendre le français. La semaine dernière, le Comité d'Alphabétisation Locale de Marieville remettait un diplôme à ses apprenants, pour souligner les efforts investis tout au long de l'année scolaire. Lors de la cérémonie, on pouvait entendre çà et là des conversations en espagnol. « Nous offrons des cours complets pour les hispanophones », explique Daniel Rondeau, qui avoue du même souffle avoir remarqué un intérêt de plus en plus grand de la part des anglophones.

Bien sûr, la formation en français constitue une part importante du programme du CALM. Mais il ne faut pas oublier que l'analphabétisme est bien plus qu'une question de langue. La Fondation pour l'alphabétisation définit d'ailleurs l'alphabétisation comme « l'acquisition des compétences et des connaissances de base dont chacun a besoin dans un monde en rapide évolution ».

« Oui, c'est apprendre le français et les mathématiques. Mais ça inclut tout ce qui fait en sorte que quelqu'un fonctionne bien dans la société », précise le directeur du CALM Daniel Rondeau. Au cours de ses trente ans d'existence, le Comité d'Alphabétisation Locale de Marieville a donc vu son programme changer pour s'adapter aux besoins. Il offre aujourd'hui des ateliers d'initiation à l'informatique et à Internet, des sorties socioéducatives et des activités d'intégration à la communauté.

Éducation populaire

Les services offerts par le Comité d'Alphabétisation Locale de Marieville s'inscrivent dans la tradition de l'éducation populaire. Gratuits, ils sont reconnus par le Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). D'ailleurs, les formateurs qui enseignent au CALM ont tous l'expérience de l'enseignement traditionnel. « Ils font un travail absolument exceptionnel. Ceux qui ne sont pas bénévoles sont sous-payés », admet Daniel Rondeau.

Le CALM reçoit annuellement plusieurs subventions qui lui permettent de continuer ses activités. Toutefois, son avenir s'annonce sombre. « On avait des ententes avec la Commission scolaire des Hautes-Rivières (CSDHR), mais elle a pris fin. Il y a des coupures qui se font tout en haut de l'échelle et, au bout du compte, nous sommes les perdants », déplore le directeur du CALM.

Daniel Rondeau affirme que la rupture du contrat avec la CSDHR privera le Comité d'Alphabétisation Locale de Marieville de 20 % de son revenu. Une situation difficile qui l'oblige à trouver des moyens alternatifs de financement. « On pense offrir des cours privés et semi-privés. On a un psychopédagogue qui pourrait aussi faire des conférences de formation payantes pour les enseignants. » Mais cela ne permettrait au CALM de récupérer qu'une partie du revenu perdu.

Et malgré tout…

Il continue de régner dans les locaux du CALM une ambiance chaleureuse. Les sourires sont accueillants, les bénévoles motivants. Et les apprenants, reconnaissants. « Daniel et Josée sont vraiment bons pour nous », souligne Louise Comeau, en faisant référence au directeur du CALM et à sa professeure. À voir les hochements de tête de Lidia Rodriguez et de Marc-André Dumesnil, un jeune qui entame ses démarches de raccrochage scolaire, il faut croire que l'avis est partagé. Et qu'il y aura une relève pour s'assurer que le CALM atteigne ses quarante ans.

L'ANALPHABÉTISME EN CHIFFRES

49 % des Québécois de 16 à 65 ans ont des difficultés de lecture. Parmi eux, 800 000 adultes sont analphabètes.

21 % de la population active du Québec ne possède aucun diplôme.

23 % de la population active du Québec ont un diplôme d'études secondaires ou l'équivalent comme diplôme le plus élevé obtenu.

21 % de la population active de la Montérégie ne possèdent aucun diplôme. Cela représente environ 198 000 personnes.

Ces chiffres sont tirés de l'Enquête internationale sur l'alphabétisation et les compétences des adultes (EIACA) menée en 2003 par l'Institut de la statistique du Québec, ainsi que des données sur la scolarité recueillies à partir du recensement canadien de 2006.

LES RESSOURCES DISPONIBLES

Info Alpha, service de référence sur l'alphabétisation et la formation : 1 800 361-9142

Info Apprendre, service de référence sur l'éducation des adultes : 1 888 488-3888

CALM : (450) 460-5433

 

Le Chambly Express vous suggère aussi cet article : Garder son CALM.

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