Nous joindre
X
Rechercher
Publicité

Climat: des politiciens canadiens cités dans une étude anglaise sur la désinformation

durée 10h00
12 juin 2022
La Presse Canadienne, 2022
durée

Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2022

MONTRÉAL — Les anciens députés conservateurs Maxime Bernier et Derek Sloan sont cités dans une étude anglaise qui a analysé la désinformation sur les réseaux sociaux concernant les changements climatiques pendant la COP26 à Glasgow, l’automne dernier.

L'étude, publiée par l'Institute for Strategic Dialogue, un groupe de réflexion basé à Londres, note un changement de stratégie de la part des opposants aux mesures pour lutter contre les changements climatiques. Alors qu’auparavant ils étaient portés à nier complètement cette réalité, ces opposants, souvent associés à une idéologie de droite ou d’extrême droite, utilisent de plus en plus la désinformation pour tenter de retarder l'action contre le changement climatique et discréditer ceux qui tentent de s’attaquer au problème.

Le rapport, intitulé «Deny, Deceive, Delay: Documenting and Responding to Climate Disinformation at COP26 and Beyond», s’est attardé aux messages de désinformation sur les réseaux sociaux concernant le climat publiés avant, pendant et après la Conférence de Glasgow de 2021 sur les changements climatiques.

Discréditer les organisateurs de la COP26

Les chercheurs soulignent que les fausses nouvelles qui ont circulé pendant la COP26 ont été beaucoup plus performantes que leurs corrections.

Parmi ces fausses nouvelles, différents types de messages sur les réseaux sociaux ont circulé de manière virale à l’effet que le sommet était alimenté par de l’énergie fossile. 

Des publications alléguaient par exemple que des génératrices fonctionnant au diesel alimentaient la COP26. Un article, publié par le site Net Zero Watch, expliquait que le manque de rendement de la production d’électricité par les éoliennes avait forcé les organisateurs du sommet à avoir recours au diesel.

Cet article a notamment été partagé par Derek Sloan, ancien député du Parti conservateur du Canada (PCC), qui a été expulsé du caucus du parti en janvier 2021 après avoir reçu un don d’un suprémaciste blanc.

Sous l’article en question, l’ancien candidat à la chefferie du PCC avait écrit: «Ils utilisent l'énergie dérivée de la combustion du charbon pour alimenter ce festival de l’étalage de la vertu inutile qu’est la COP26».

En réponse à la circulation de faux articles et de photos qui montraient des génératrices sur le site de la COP26, les organisateurs de l’événement ont publié un message sur Twitter qui indiquait que ces génératrices étaient alimentées par de l'huile végétale hydrogénée, «qui produit 90 % moins d'émissions de carbone que le diesel», et que celles-ci seront utilisées uniquement si le site a besoin d’énergie supplémentaire. Les organisateurs du sommet avaient ajouté que «toute notre électricité sur place à la COP26 est fournie par des énergies renouvelables».

Mais cette publication qui rectifie les faits n’a suscité qu’une centaine d’interactions sur Twitter, alors que le premier «tweet» faisant référence au diesel avait été partagé 3000 fois et avait recueillis 8700 «j’aime». Le message de Derek Sloan avait récolté 1000 «j’aime» et le groupe Alberta Proud, un mouvement de droite qui défend l’industrie des sables bitumineux, avait suscité 1300 réactions en partageant un contenu similaire.

Cet exemple «montre comment la vérification des faits peut ne pas atteindre les résultats souhaités», soulignent les auteurs de l’étude qui recommandent que ce type de fausse nouvelle soit supprimé par les plateformes comme Twitter et Meta, et que des mesures soient prises contre les récidivistes.

L'incapacité à endiguer la désinformation en ligne permet à la «science de pacotille», au «retardisme climatique» et aux attaques contre les politiques climatiques de trouver un écho dans le «grand public», soulignent les chercheurs qui ont étudié uniquement les messages publiés en anglais.

La «médiocrité» des énergies renouvelables

L’étude de l'Institute for Strategic Dialogue avance que les opposants aux mesures pour contrer la crise climatique semblent avoir axé leurs messages sur la supposée «médiocrité» et le «mauvais rendement des énergies renouvelables» pendant la COP26, un discours popularisé depuis plusieurs années par Donald Trump, un farouche opposant aux énergies éoliennes.

Le 9 novembre 2021, pendant la COP26, Maxime Bernier, qui est suivi par 190 000 abonnés sur Twitter, a écrit une publication dans laquelle il rejette «l'hystérie du réchauffement climatique» et appelle à investir «dans l'énergie nucléaire plutôt que dans les technologies renouvelables médiocres».

Maxime Bernier est un «amplificateur clé»

Le rapport révèle qu’une partie importante du contenu contre les énergies renouvelables provient d'une poignée de personnes influentes, dont certains ont des comptes vérifiés sur les réseaux sociaux, comme Bjorn Lomborg, un statisticien danois.

Dans la période du 25 octobre au 21 novembre 2021, les «tweets» et les citations de «tweets» contre les énergies renouvelables de seulement 16 comptes Twitter ont totalisé 507 000 «j’aime».

L’étude indique également que Maxime Bernier a été un «amplificateur clé» des contenus publiés par Bjorn Lomborg pendant la COP26. 

Bjorn Lomborg est reconnu pour son combat contre les véhicules électriques. Il a acquis une notoriété qui lui permet d’avoir des tribunes à Fox News et dans le Wall Street Journal notamment. Une vidéo qu’il a réalisée sur les voitures électriques en 2016 a refait surface et a été partagée des milliers de fois pendant la COP26. En six ans, la vidéo, dans lequel Bjorn Lomborg affirme que les véhicules électriques sont aussi polluants que les véhicules à essence a été partagée plusieurs millions de fois sur les réseaux sociaux.

Les chercheurs de l'Institute for Strategic Dialogue soulignent «qu’entre autres affirmations trompeuses, Lomborg suppose que le réseau énergétique (d'où provient l'électricité pour les véhicules électriques) est entièrement alimenté au charbon, et par conséquent, les véhicules électriques ne constituent pas vraiment une technologie verte. Dans un nombre déjà important et croissant d’endroits dans le monde, cela est loin d'être vrai et la situation changera encore plus dans les années à venir.»

Sur ce sujet, une étude de l’Université de Cambridge a récemment conclu que dans 95 % des pays du monde, conduire une voiture électrique est meilleur pour l'environnement que les alternatives à essence.

Couper l’accès aux revenus publicitaires aux récidivistes

L'analyse de 16 comptes Twitter qui font la promotion de la désinformation climatique, des «super-diffuseurs», a révélé l’existence de 13 sous-groupes qui convergent autour des communautés anti-sciences et complotistes aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Canada.

«Pendant la COP26, il y avait un très grand niveau d’interconnexion entre ces communautés», rapporte l’étude.

Les auteurs du rapport demandent qu’il y ait une définition internationalement reconnue de la mésinformation et de la désinformation sur le climat, et que les grandes entreprises technologiques restreignent l’accès à des revenus publicitaires aux groupes et individus qui récidivent en matière de désinformation.

La désinformation retarde l’action, selon le GIEC 

Selon le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations unies, le GIEC, des intérêts économiques et politiques ont organisé et financé la désinformation sur le changement climatique, ce qui retarde l’action des gouvernements.

Le GIEC souligne que la «désinformation et la politisation de la science du changement climatique ont créé une polarisation dans les domaines publics et politiques», particulièrement en Amérique du Nord.

Quelques heures avant la sortie de ce rapport, Maxime Bernier avait écrit à ses 190 000 abonnés que le réchauffement climatique était jusqu'à présent - «surtout bénéfique» et que «ce fait surprenant est caché au public par les alarmistes et leurs alliés médiatiques qui sont déterminés à utiliser le langage de la crise et de l'urgence».

Sous le message, il avait publié un article qui soutient que «la nature se porte mieux, de façon générale, en raison du réchauffement climatique» et «que généralement, les effets du réchauffement climatique sont positifs sur l’agriculture».

Stéphane Blais, La Presse Canadienne