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Le procès de Jacob Hoggard a ramené la question du consentement en matière sexuelle

durée 12h27
6 juin 2022
La Presse Canadienne, 2022
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2022

TORONTO — Le procès pour agression sexuelle intenté contre le musicien canadien Jacob Hoggard a ramené à l'avant-scène une question cruciale: le consentement en matière de relations sexuelles.

Le chanteur du groupe Hedley a été reconnu coupable, dimanche, d'un chef d'agression sexuelle causant des lésions corporelles contre l'une des deux plaignantes. Il a été acquitté de la même accusation, et de celle de contacts sexuels, dans le cas d'une autre plaignante, adolescente à l'époque des faits.

Comme c'est souvent le cas dans les procès pour agression sexuelle, la question du consentement aura été au cœur de cette affaire criminelle, conviennent les observateurs.

La Couronne a allégué que Hoggard avait violé à plusieurs reprises, et avec force, une adolescente admiratrice du groupe Hedley et une jeune femme d'Ottawa, lors de deux rencontres distinctes, à l'automne 2016. La défense, de son côté, a plaidé que les relations sexuelles avaient été consensuelles.

Des affaires très médiatisées comme celle-ci ont le pouvoir de façonner notre compréhension du consentement en matière sexuelle, soulignent des avocates et des militantes: ces procès exposent des idées fausses ou préconçues, mais néfastes, qui imprègnent les tribunaux et la société en général.

«C'est formidable, mais aussi inquiétant, d'essayer de faire la lumière sur certaines de ces histoires, déclarait avant le verdict la criminaliste et experte en droit constitutionnel de Toronto Megan Stephens. Ce genre d'affaires poussent certaines personnes à se demander si elles devraient dénoncer et rapporter ce qui leur est arrivé.»

Le Canada dispose de certaines des lois les plus progressistes en matière de consentement dans les cas d'agression sexuelle, a déclaré Mme Stephens. Le problème réside dans la manière dont on applique la lettre de la loi, selon elle. 

Le Code criminel exige que le consentement soit communiqué de manière affirmative, par les paroles ou la conduite d'une personne, c'est-à-dire par des signaux qui indiquent «oui», plutôt que l'absence de signaux qui diraient «non». Le consentement peut par ailleurs être retiré à tout moment lors d'une relation sexuelle.

Au procès de Hoggard, la juge Gillian Roberts, de la Cour supérieure de l'Ontario, a déclaré au jury, citant une décision de la Cour d'appel provinciale, que dans une affaire d'agression sexuelle, le consentement consistait à savoir si la plaignante, «dans son esprit, voulait que les attouchements sexuels aient lieu».

«Chacun ses biais»

La constitutionnaliste Stephens, une ancienne procureure de la Couronne, soutient que cette «norme subjective» signifie que de nombreuses causes d'agression sexuelle se résument à l'évaluation, par les jurés, de la crédibilité de la plaignante et celle de l'accusé, sur la base des preuves présentées au procès. Les jurés font généralement de leur mieux pour respecter la loi, a-t-elle dit, mais l'identité peut influencer leurs déterminations et ce qu'il faut croire. 

De nombreux observateurs ont noté l'apparent déséquilibre de genres au sein du jury dans le procès de Hoggard, qui semblait bien être composé de 10 hommes et de deux femmes.

«Nous avons beaucoup appris ces dernières années sur les préjugés implicites et sur la manière dont ils peuvent affecter nos compréhensions et nos expériences. Et je pense que le système du jury n'est pas à l'abri de cela», a déclaré Mme Stephens, qui défend les droits des femmes dans le système judiciaire. 

«Il est parfois difficile pour les gens de comprendre les expériences des autres alors qu'ils ne sont jamais allés là — qu'il s'agisse d'un juré masculin qui essaie de comprendre (ce qu'a vécu) une plaignante, ou d'un juré blanc face à une femme noire.»

Les tribunaux canadiens sont aux prises avec les «mythes et stéréotypes» qui affligent le processus judiciaire, mais même les juges sont susceptibles d'en être la proie, a déclaré Pam Hrick, directrice et avocate générale du Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes.

Des balises du plus haut tribunal

La Cour suprême du Canada a rendu depuis quelques années un certain nombre de décisions qui concluent que les tribunaux inférieurs avaient commis une erreur dans leur application de la loi sur les agressions sexuelles, a déclaré Mme Hrick. Ces arrêts permettent de corriger le cap dans un système qui a soumis les plaignantes à un processus inéquitable, selon elle.

Cela montre comment la reconnaissance dans la société du mouvement #MoiAussi s'est répercutée aussi devant les tribunaux, mais il reste encore du travail à faire pour combler l'écart entre la loi canadienne et notre compréhension évolutive du consentement, estime Mme Hrick.

«Il y a parfois un décalage, je pense, entre la compréhension du public de l'application ou de l'évolution de la loi, a-t-elle déclaré. Nous devons être vigilants en continuant à faire pression pour le changement et continuer à essayer de sauvegarder certains des gains que nous avons obtenus.»

Farrah Khan, directrice de «Consent Comes First» au Bureau de soutien et d'éducation en matière de violence sexuelle de l'Université métropolitaine de Toronto, croit que le procès Hoggard illustre la façon dont les idées fausses sur le sexe et le consentement persistent à la fois dans la salle d'audience et dans la société.

Les avocats de la défense ont allégué que les plaignantes avaient menti en disant qu'elles avaient été violées, un mensonge destiné à dissimuler leur embarras après avoir été larguées par une vedette. 

«Le défi est que nous traitons le consentement comme une case à cocher, a conclu Mme Khan. Le consentement concerne une conversation (...) Et c'est continu, c'est réversible, cette conversation.»

Adina Bresge, La Presse Canadienne