Cocktail de pesticides

Par Claudy Laplante-St-Jean
S-métolachlore, atrazine, bentazone, glyphosate, imazéthapry, flumetsulame; de 2008 à 2010, pas moins de 23 à 27 pesticides ont été détectés dans la rivière des Hurons, qui sillonne Sainte-Madeleine, jusqu'à Saint-Mathias-sur-Richelieu pour finalement se jeter dans le Bassin de Chambly. Une situation qui demeure préoccupante pour le gouvernement qui vient de publier un bilan sur la présence de pesticides dans l'eau au Québec.
Quatre rivières situées en zone agricole ont été scrutées à la loupe par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP), où plus de 1 800 échantillons ont été prélevés entre 2008 et 2010.
« Les pesticides, en particulier les herbicides, sont encore omniprésents dans les rivières de zones agricoles où dominent les cultures de maïs et de soya. De la mi-mai jusqu'à la fin août, des mélanges de plusieurs pesticides sont détectés dans l'eau des rivières », mentionne le rapport qui fait état de la situation pour les rivières des Hurons (bassin versant de la rivière Richelieu), Chibouet (bassin versant de la rivière Yamaska), Saint-Régis (bassin versant du Saint-Laurent) et Saint-Zéphirin (bassin versant de la rivière Nicolet).
Celui-ci conclut que plusieurs aspects demeurent inquiétants, dont l'omniprésence des pesticides, leurs concentrations parfois élevées, la présence de mélanges complexes de plusieurs pesticides ainsi que les recherches scientifiques récentes qui confirment les effets des pesticides.
Fréquence de détection plus élevée
Du côté de la rivière des Hurons, quelque 65 % de son bassin versant (345 km2) est consacré à la culture. Près de 50 % de sa superficie cultivée est réservée au maïs tandis que le soya en occupe le quart. On dénombre aussi d'autres céréales ainsi que des cultures maraichères.
Dans la période d'étude, de 23 à 27 sortes de pesticides, surtout des herbicides, mais aussi des insecticides et un fongicide, ont été détectées dans le cours d'eau. Par exemple, le s-métolachlore et l'atrazine, deux herbicides, connaissent une fréquence de détection moyenne qui frôle le 100% (98,8 % pour le premier et 97,7 % pour le second).
De plus, les scientifiques du gouvernement ont décelé les pesticides plus souvent dans certains cas. « La fréquence de détections de plusieurs herbicides a augmenté depuis la période d'étude présente (2005 à 2007), soit une augmentation de 12 % pour le glyphosate, de 11 % pour l'AMPA, de 15 % pour l'imazéthapyr, de 23 % pour le flumetsulame et de 27 % pour le rimsulfuron », indique le bilan.
Le seuil à partir duquel les pesticides causent des effets indésirables aux espèces aquatiques a aussi été franchi dans 10 à 19 % des échantillons. Le dicamba, un herbicide, a été trouvé en trop forte concentration dans 68 % des échantillons tandis que son homologue, le MCPA a dépassé les critères de qualité de l'eau dans 32 % des échantillons.
L'UPA consciente du problème
Pierre Caza, directeur Aménagement et Vie syndicale, à la Fédération de l'UPA de la Montérégie, n'est pas étonné des résultats obtenus par le rapport gouvernemental. «C'est un phénomène qu'on retrouve partout, autant en Amérique du Nord qu'en Europe», explique-t-il en précisant que les cours d'eau sont le reflet des activités humaines sur les territoires.
Le responsable nuance quant à l'interprétation des résultats obtenus. « Ce n'est pas parce qu'on détecte un produit qu'il est nécessairement nocif », affirme-t-il.
M. Caza souligne qu'autant les agriculteurs que l'UPA et le reste de la société travaillent à trouver des solutions pour réduire l'utilisation des pesticides.
« Les producteurs sont préoccupés pas la question, ils travaillent avec la nature, après tout. Il faut rechercher l'équilibre entre l'aspect écologique et le besoin des producteurs d'être viables. En Montérégie, nous sommes une surface et aussi l'endroit le plus propice à l'agriculture et cela se concentre en une saison seulement. Il faut conjuguer avec tout ça », confie-t-il.
Toutefois, selon le principal intéressé, les producteurs ne peuvent pas se passer de pesticides et l'agriculture de masse doit continuer d'exister. « Nous aurons bientôt 9 milliards de bouches à nourrir. Des terres propices à l'agriculture, il n'y en a pas légion », indique-t-il en soulignant que l'agriculture biologique doit aussi rester en place.
« Le rapport confirme qu'on a raison de vouloir continuer à améliorer l'environnement. Les producteurs investissent beaucoup. C'est possible que ce ne soit pas la présente génération qui en voit les effets, mais celle qui va nous suivre », conclut M. Caza sur une note optimiste.
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