Recruter des familles d'accueil grâce à la mobilisation citoyenne

Par Myriam Tougas-Dumesnil
Le manque de familles d'accueil prêtes à accueillir des enfants de zéro à cinq ans est devenu si important en Montérégie que les jeunes faisant l'objet d'un placement sont forcés d'aller vivre à plusieurs kilomètres de leur résidence familiale. Un problème auquel s'attaque le Centre jeunesse de la Montérégie, qui mise désormais sur une plus grande implication de la communauté afin d'agrandir son bassin de familles d'accueil.
Le projet « Ma famille, ma communauté » a été mis sur pied l'an passé. Depuis, il se déploie sur trois territoires : Montréal, l'Abitibi et la Montérégie. « En Montérégie, on a commencé en décembre 2012 par Saint-Jean-sur-Richelieu, parce que c'est là qu'il y avait le plus d'enfants suivis et que le besoin était le plus criant », raconte Martine Cabana, coordonnatrice régionale du projet. « Maintenant, on va se concentrer sur Chambly et les environs. »
« Ma famille, ma communauté » est inspiré d'une approche américaine centrée sur l'implication citoyenne et la sensibilisation. « Ces enfants-là, qui ont besoin d'un milieu de vie sécuritaire, ce sont des enfants de la communauté. Et la recherche d'une famille, c'est une affaire de communauté », soutient Mme Cabana.
C'est donc en mobilisant les citoyens, les organismes, les établissements et même les dirigeants politiques que le Centre jeunesse de la Montérégie espère voir plus de familles ouvrir leurs portes aux enfants qui en ont besoin. L'objectif : permettre aux jeunes en situation de placement de demeurer près du domicile familial.
« Il faut que le recrutement provienne de la communauté. Que les gens en parlent à leurs connaissances, leurs voisins, pour que les enfants puissent rester dans le même quartier, fréquenter la même école ou la même garderie. Il faut les déstabiliser le moins possible », insiste Martine Cabana.
Une opinion que partage Johanne Ostiguy, famille d'accueil à Marieville depuis maintenant plus de vingt ans. « Je l'ai fait, voyager un enfant pour des visites jusqu'à Valleyfield ou Sorel. Ça n'a pas de bon sens leur faire faire une heure et demie de route chaque fois, quand ils ont 3 ou 4 ans. On les brûle, ces enfants-là ! »
Si toutes deux s'accordent pour dire qu'il vaut mieux éviter de rompre les liens qui relient l'enfant à sa communauté, elles croient aussi qu'il faut redorer l'image des familles d'accueil. « Le placement, c'est vu comme laid. Mais c'est extraordinaire comment ces enfants-là nous font grandir. C'est vraiment enrichissant, nourrissant », s'exclame Mme Ostiguy.
Être famille d'accueil, c'est vraiment du bon bonbon ! Johanne Ostiguy, famille d'accueil à Marieville
La coordonnatrice régionale du projet « Ma famille, ma communauté » croit pour sa part que les citoyens ne connaissent pas suffisamment la réalité des familles d'accueil. « Les gens peuvent avoir des craintes, pour plusieurs raisons. Mais ceux qui décident d'être famille d'accueil voient bien qu'il y a toute une équipe pour les entourer », souligne-t-elle. « On n'est pas laissés à nous-mêmes et on est dirigés vers les bons endroits, les bonnes ressources. J'ai toujours été bien accompagnée par mon intervenante », renchérit Mme Ostiguy.
Son intervenante, c'est Marie-Hélène Chiasson. C'est elle qui l'écoute, la conseille et l'accompagne dans son aventure. « Juste le fait qu'on décroche le téléphone quand une famille d'accueil nous appelle, ça les rassure. On est présents », assure celle-ci.
Des jumelages comme celui de Marie-Hélène et Johanne, Martine Cabana aimerait avoir la chance d'en faire davantage. « Si on avait entre dix et quinze familles d'accueil de plus sur le territoire du Haut-Richelieu-Rouville, ça aiderait déjà beaucoup à combler les besoins », espère-t-elle. « Même les gens de la communauté qui ont seulement un peu de temps pour aider les familles d'accueil sont les bienvenus. »
S'il est trop tôt pour mesurer les retombées du projet « Ma famille, ma communauté », Mme Cabana demeure enthousiaste. « Aux soirées d'information, on remarque qu'il y a plus de gens de milieux différents, que ce soit des écoles ou des CSSS. » Certains poursuivent le processus, d'autres ne vont pas plus loin que la séance d'information. « Être famille d'accueil, c'est vraiment du bon bonbon. Ceux qui hésitent ne savent pas ce qu'ils manquent ! », lance Mme Ostiguy. « Et pour ceux qui se demandent ce que ça prend pour devenir famille d'accueil : si t'as un cœur, le reste va suivre ! »
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