Alexandre, 19 ans, transgenre

Par Myriam Tougas-Dumesnil
Alexandre* a 19 ans. Passionné du septième art, il consacre une bonne partie de son temps à ses études en cinéma… et une autre à sa transformation. Parce que s'il ressemble à la majorité des jeunes hommes de son âge, Alexandre se distingue par son passé. À sa naissance, il se nommait Karine*.
« Ça a toujours été là… J'ai toujours eu une admiration pour les gars. » Au sous-sol de la maison où il réside avec ses parents, Alexandre raconte son histoire posément, avec générosité. « Je veux en parler pour aider les autres qui vivent la même chose que moi. Il y a beaucoup de préjugés et je trouve que c'est important de faire connaître cette réalité. »
À première vue, il est pratiquement impossible de deviner qu'Alexandre est transgenre. Sa barbe naissante, son look et l'énergie qu'il dégage ont tout de masculin. Pourtant, il a fallu trois ans de démarches, de prises de rendez-vous médicaux et d'opérations pour faire de Karine la personne qu'elle souhaitait être.
« Ça a tout le temps été là, je pense. Jeune, quand je jouais à des jeux de rôles, je prenais toujours des rôles masculins. Et mon héros, c'était Harry Potter. J'aurais aimé être lui », se remémore-t-il, pensif. « Mais j'ai vraiment commencé ma transformation à 16 ans. Ça faisait quatre ans que je voyais des psys et la dernière m'a vraiment aidé dans mes démarches. »
D'abord, il y a eu le rendez-vous avec un endocrinologue. « Il m'a prescrit de la testostérone en pilules, parce que les gélules ne fonctionnaient pas. » Puis, il y a eu l'ablation des seins. « C'est sûr que j'avais un peu peur, pour la mastectomie, parce que je n'avais jamais été endormi. Mais finalement, ça a bien été. » Suivront l'ablation de l'utérus (hystérectomie) et, en mars 2015, la phalloplastie ou pose du pénis.
« Les démarches sont longues et compliquées. C'est ma mère qui a appelé à la clinique pour l'hystérectomie, mais ils n'ont pas voulu faire l'opération. Je vais être obligé d'aller à Montréal », déplore Alexandre. « Juste avoir le rendez-vous pour la phalloplastie, ça a été super long et ce n'est pas avant 2015. »
Même le processus de changement de nom a été ardu, selon le jeune homme, puisqu'il implique obligatoirement la publication d'un avis public dans la Gazette officielle du Québec ainsi que dans un journal local. « Tout le monde le sait à l'école. Il y a ton adresse et tout le monde t'en parle. Moi, je disais que ce n'était pas moi… »
J'aurais aimé mieux que la magie existe pour renaître. Mais ça ne marche pas comme ça. Alexandre, transgenre
Acceptation
Cela a pris plusieurs années avant qu'Alexandre prenne la décision de changer de sexe. « Il n'y a pas vraiment de modèle trans connu. On n'entend tellement pas parler de changement de sexe que je ne savais même pas que ça se faisait », admet-il. « Je pensais rester de même toute ma vie, mais je ne m'acceptais pas. »
Heureusement, le jeune homme a découvert des forums de discussion qui l'ont beaucoup aidé. « J'ai posé des questions, j'ai fait des recherches… Et je me suis fait des amis qui sont aussi trans. Parce que même si j'en parle à mes autres amis, ils ne peuvent pas vraiment comprendre parfaitement ce que je vis. »
Il n'est pas non plus évident de parler de transsexualité avec famille et amis lorsqu'on est en période de questionnement. « Quand on est adolescent, on est plus proches de nos amis que de notre famille. Moi, j'avais plus peur d'annoncer à mes parents que je voulais changer de sexe que de le dire à mes amies. Finalement, je n'ai perdu personne. Mes parents m'aident beaucoup là-dedans et j'ai gardé mes amies. Je sais qu'il y en a qui ne comprennent pas, mais ils l'acceptent », souligne-t-il avec reconnaissance.
Malgré ces soulagements, Alexandre avoue être parfois préoccupé par l'avenir. « Je n'ai pas encore rencontré quelqu'un, mais j'y pense. Comment tu dis à une fille que tu étais aussi une fille avant ? Au début de mes démarches, je n'avais pas envie de commencer ma transformation à cause de ça… »
De plus en plus, le jeune homme se tourne vers l'avenir avec confiance. « J'ai hâte que ma transformation soit terminée. Je sais que je ne pourrai jamais avoir d'enfant par moi-même, mais mon rêve, c'est d'avoir une belle job, devenir cameraman, avoir une blonde et des enfants… S'il y en a qui vivent la même chose que moi, je leur dirais de foncer. »
* : Noms fictifs
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